9/27/2014

Tüm insanların affedileceği doktrini ve gerçekliğin çeşitlilik - muhafazakarlık - varoluşçuluk - John Rawls ve "Bir Adalet Teorisi"

Genis Carrera

Rawlsian Universalism Confronted with the Diversity of Reality 1


HOW CAN WE ACCOUNT for the diversity of the world, its multiplicity, and still be able to see humanity’s unity through the variety of cultures? How can we assess facts morally when social practices vary through time (history matters) and space (geography matters too)? How can we work beyond a merely empirical approach based on observation, to make sense of what we observe in an intelligible, coherent and rational way? Clearly, we need a theory which offers an interpretive framework for social organizations and allows an ethical assessment. This paper suggests that John Rawls’ thought, as presented in A Theory of Justice, provides such a framework and may enable us to assess on universal grounds as well as understand specific situations. The tension between a diverse reality and an abstract concern for universality can be interpreted in several ways. It could reflect the difficulty that arises from trying to reconcile values specific to different cultural environments. In some views, there should be some shared values one could draw on to avoid conflicts. Others might question that such common values be compatible with the reality principle. These diverse points of view underline the necessity to articulate the universal and the particular. If Samuel Huntington has drawn our attention to the risk of a “clash of civilizations”, it is undeniable that universalism, claimed by some and challenged by others, could well perpetuate the domination of one culture over others: how universal is a moral value if it is not universally accepted as such? This is one of the issues of globalization in our world as it is (and not as it can be imagined in the abstract). Globalization may be understood not only as a process of economic integration through trade, foreign direct investments, the rise of financial instruments and multinational corporations, but also, and this is crucial, as the world-wide spread of certain cultural values and social practices. The asymetric nature of the process reiterates the dependency of the weaker states and people on more powerful ones. In other words, to state a well-known fact, globalization is also a process of Westernization, though this statement probably needs to be qualified. Indeed it is an equally well-known fact, that hardly needs restating, that globalization also triggers a backlash, a quest for identity that may go as far as cultural isolationism, a rejection of the other and forms of religious fundamentalism. This backlash is radicalized if people feel threatened by this universal or humiliated by the strength deployed to bring about their submission to it. All we have then is a particularism masquerading as universal, and imposed as such to other cultures by confrontation or sheer violence. The world is astir with reactive identities which function as refusals to fall for such a trick. Formerly colonized people aspire to cultural decolonization after gaining political decolonization. Minds need decolonizing as much as countries did, and independence is of little avail if formerly colonized people retain the values of former colonizers, if acculturation has made it impossible for them to return to their cultural roots. But if this “return to the roots” implies a uncritical return to an imagined and reinvented past, is it really a liberation or yet another alienation? While this alienation is self-inflicted, it restricts people to a mythical past which makes it impossible to think ahead into the future. Religious fundamentalism is one instance of this danger, of which the Islamic Revolution in Iran, against the Shah’s regime, is illustrative: it was a refusal of a modernization which was felt to betray the culture and promote alien values and ways of life. But clearly, in holistic societies in which the group is given priority over the individual, collective heritage validates standing practices and confers on them a cultural and moral legitimacy incompatible with the idea of progress. This is beneficial to the strictest conservatism: why change since tradition sanctions what has been until now in conformity with the norms, and since what exists is rooted in the culture and identity of the group? In this perspective, inequalities in living conditions belong to cultural heritage and, as such, deserve to be preserved. Gender inequality is also legitimate since past norms established it as normal. Communitarianism thus denies individual freedom and circumscribes each person within the values of his or her own society, which serve the assertion of a collective identity, but not of individual identities. Bernard Bret

L’universalisme rawlsien confronté à la diversité du réel 1
COMMENT COMPRENDRE le monde et sa diversité, combiner l’un et le multiple, lire l’unité de l’humanité derrière la variété des cultures ? Comment qualifier les faits sur le plan moral alors que les pratiques sociales varient selon les temps (l’histoire existe !) et selon les lieux (la géographie existe aussi !) ? Comment se prémunir d’une approche empirique qui observerait sans parvenir jamais à synthétiser ses observations dans un tout cohérent, rationnel et intelligible ? Le besoin se fait donc sentir d’une théorie offrant une grille d’interprétation des organisations sociales et permettant de porter sur elles une appréciation éthique. La pensée de John Rawls, telle qu’elle s’exprime dansLa Théorie de la Justice est ici considérée comme répondant à ce besoin, comme capable de dire l’universel et de comprendre le particulier. La tension entre la diversité du réel observé et l’universel pensé dans une démarche abstraite peut être interprétée de plusieurs façons. Certains y verront la difficulté de concilier ou de faire converger les valeurs spécifiques aux différentes aires culturelles. D’autres insisteront sur le besoin de valeurs partagées par tous et y trouveront un outil pour désamorcer les conflits. D’autres encore s’interrogeront sur la confrontation de ces valeurs communes avec le principe de réalité. Cette diversité d’opinions souligne en tous les cas la nécessité d’articuler l’universel et le particulier. Si le choc des civilisations constitue bien un danger sur lequel Samuel Huntington attire notre attention, il est impossible de nier que l’universalisme, tel qu’il est revendiqué par certains et dénoncé par d’autres, représente, quant à lui, le risque de la domination d’une aire culturelle sur les autres : à quoi sert de proclamer l’universalité d’une valeur morale si cette universalité n’est pas admise par tous ? Tel que le monde existe réellement, et non tel qu’il peut être pensé dans l’abstrait, tel est bien un des traits de la mondialisation. Le terme désigne, on le sait, non seulement l’intégration économique à travers le commerce international, les investissements productifs à l’étranger, la financiarisation et l’essor de firmes transnationales, mais aussi, et c’est le point majeur ici, l’extension à l’échelle de la planète de certaines valeurs culturelles et de certaines pratiques sociales. Il est clair que le processus se réalise d’une façon asymétrique qui met les faibles, États et personnes, dans la dépendance des forts. En d’autres termes, et plus que d’une analyse il s’agit là d’un constat déjà fait en de multiples occasions, la mondialisation est l’occidentalisation de la planète. Il faudrait nuancer le propos. C’est là aussi chose trop connue pour que l’on s’y attarde, mais qu’il faut redire, la mondialisation provoque en retour une quête d’identité qui peut aller jusqu’au renfermement culturel, au refus de l’autre, au repli dans des intégrismes religieux d’autant plus radicaux que les personnes concernées s’estiment menacées par un universel qu’elles refusent et parfois humiliées par le rapport des forces qui cherche à les y soumettre. Qu’est-ce alors que l’universel, sinon un particulier qui se croit universel et qui prétend s’imposer comme tel aux autres cultures, au prix d’une confrontation qui peut aller jusqu’à la violence ? Il est difficile de ne pas voir dans les réactions identitaires qui secouent la planète autant de refus à pareille prétention. Après la décolonisation politique, les peuples naguère asservis veulent entreprendre la décolonisation culturelle. Dans l’optique de ceux qui prônent la décolonisation des esprits, à quoi aurait servi l’accès à l’indépendance si les anciens colonisés conservent dans leurs têtes les valeurs des anciens colonisateurs, si l’acculturation a été si profonde que les anciens acculturés sont incapables de retrouver leurs racines culturelles ? Mais, renouer avec les racines, c’est quasi nécessairement renouer sans distance critique avec le passé ou avec un passé tel qu’on l’imagine et tel qu’on le reconstruit. Est-ce alors se libérer de l’aliénation ? On se libère de l’aliénation subie en s’asservissant à une autre aliénation qui enferme dans un passé largement mythique et empêche de penser l’avenir. Les intégrismes religieux donnent de multiples illustrations de cette dérive. La Révolution islamique en Iran contre le régime du shah en est une, parmi d’autres : refus d’une modernisation qui vous arrache à votre culture et vous inculque des valeurs et des façons d’être contraires à ce que vous considérez être. Mais, on voit bien que, dans des sociétés holistes qui affirment la priorité du groupe sur l’individu, l’héritage collectif conduit à la validation des pratiques en vigueur et leur confère une légitimation culturelle et morale antinomique avec l’idée de progrès. Cette configuration sert le conservatisme le plus étroit : pourquoi changer puisque la tradition dicte ce qui a été reconnu jusqu’ici comme conforme aux normes et puisque ce qui existe trouve ses racines dans la culture qui fait l’identité du groupe ? Mais alors, on pourra dire que l’inégalité des conditions d’existence est un élément du patrimoine culturel et, comme tel, mérite d’être maintenue. On pourra dire aussi que l’inégalité des genres n’est pas illégitime puisque les normes héritées du passé l‘ont établie comme normale. Le communautarisme nie du même coup la personne. Il s’oppose à l’individuation puisqu’il inscrit le devenir de chacun dans les valeurs de la communauté érigées en moyen d’affirmation de l’identité collective plus que des identités individuelles. Bernard Bret


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