“‘Come, there’s no use in crying
like that!’ said Alice to herself rather sharply. ‘I advise you leave off this
minute!’ She generally gave herself very good advice (though she very seldom
followed it), and sometimes she scolded herself so severely as to bring tears
into her eyes; and once she remembered trying to box her own ears for having
cheated herself in a game of croquet she was playing against herself, for this
curious child was very fond of pretending to be two people” (Carroll, 2001:18).
Alice is not afraid of change, and even crosses the border of the mirror
fearlessly, confident that she will find herself again on the other side. This
confidence and strong identity we will try to explain here with the threshold
theme. Alice talks to herself the whole story long. She reassures herself,
scolds herself, gives herself advice and is even happy that no one (else) is
around when she ventures to say complicated words. This auto-narration might
save her from becoming crazy and at the same time allows her to hold on to her
identity. She undergoes dramatic changes. At the beginning of the story, she
falls into a hole and then has to endure changes of size that make her grow
long and lean after tasting a cake and then become a minuscule little girl
because she wants to have access to a hidden garden. But she stays the same
through all those dramatic changes, and is not even affected by her trip
through the mirror. She does not explode or become her own anti-matter. She
does not enter the mirror out of vanity, like Narcissus, but out of curiosity.
And this never questioned audacity might save her form all the harm she might
encounter. She remains a constant that changes in an imperceptible way, and
always according to the circumstances. She never fits perfectly into either
world, and therefore moves freely from one to the other. The writings of Angela
Carter explore the ambiguity of existential states where objects or subjects
are not confined to a defined identity. Carter uses cultural symbols to explore
what she calls the «subterranean» areas of human experience. She sees this as a
way to access the primary impulses and desires that secretly move our conscious
behavior. The importance of ambiguity is the possibility of contact with
different states or spaces of being. In Angela Carter’s writings the importance
of limits and thresholds, whether these are mirrors or characters, reflect
Carter’s preoccupation with the interconnection between different modes of
existence. The mirror theme is recurrent here as it shows a passage to a different
world as well as our own identity, different every time we look into the mirror. The mirror as border and passage to
another place emerges and there is in the mirror a wonderland that made one
looks at brighter possibilities, a land of transformations and borders, where
life becomes bearable when the everyday fight seems too difficult. The
threshold is here the sign of victory over pain and through poetry and the
activity of writing in these in-between spaces that they try to explore. The
poets catch a glimpse of hope, a path toward life, on the threshold state that
always leaves the passage open.
Alice is
the symbol of the passing through time in the work of Sophie Gosselin and David
Gé Bartoli who
explore a new way of thinking history and memory by looking at the clock from
profile. What they call ‘infraphysique’ shows a path through time where new art
forms and new ways of thinking are explored. Time does not have to be
chronological, it can open to numerous understandings of time and perception
that show a different way of repetition and combining of known events. In the
work they present here, ‘mémoire vive’, we can catch a glimpse of a way to
think time that is on the border of an artistic and a philosophical approach to
knowledge and perception. A way to think thresholds in a creative manner,
always surprising and inspiring, Sophie and David try to initiate a new
understanding of passage. Those poetic journeys will conclude this issue on
soglitude, and open at the same time toward a next issue that will be dedicated
to poetry and theatre, literature and film. This time, we introduce a method
into threshold thinking by offering a large variety of domains where the
passage, transformation and change offer new perspectives. We want to offer the
reader a first exploration of the threshold and remind him that the threshold
is our home, a home that is always here for us, yet always changing. Always
offering a new outlook on a reality we create by unfolding into it. Tatjana Barazon
Genis Carrera |
Alice, constante du seuil « -Ma foi dans mon pays à moi » répondit
Alice, encore un peu essoufflée, « on arriverait généralement à un autre
endroit si on courait très vite pendant très longtemps, comme nous venons de le
faire.
-On va bien
lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu’on
peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au
moins deux fois plus vite que ça ! » (Carroll, 1994 : 214)
Comme nous l’apprenons chez Lewis Carroll : il
faut employer toute son énergie afin de demeurer à la même place. Alice se
retrouve dans toutes ses aventures face à un monde inconnu où les lois qui
régissent ce monde sont différentes des nôtres et où Alice doit subir elle-même
des changements vertigineux. Au début de l’histoire, elle tombe dans un trou et
doit subir des changements de taille impressionnants. Elle doit devenir
minuscule pour pouvoir accéder à un jardin derrière une porte et s’allonge en
goûtant à un gâteau. Une approche fondamentale à la création d’une méthode
soglitaire est le dilemme d’Alice quand elle traverse le miroir, car là, elle
reste elle-même. Alice inspire l’aspect « scientifique » de la pensée
du seuil.
Par la
rupture de la frontière du miroir, Alice glisse sur le seuil. Le monde est
alors envisagé du point de vue de son antimatière. Alice ne rencontre pourtant
pas Anti-Alice, donc elle n’explose pas comme Narcisse qui tomba amoureux de
son reflet. L’aventure d’Alice dans le monde du miroir correspond plutôt à la
découverte d’un univers parallèle qui est l’envers du monde qu’elle connaît.
Elle défie les lois de l’univers en ouvrant un autre monde qui ressemble au
monde des possibles, parce que souvent, les choses n’ont pas de noms et dès que
la perception se fixe sur un objet celui-ci disparaît. Dans les travaux
de Sophie Gosselin et
David gé Bartoli, Alice apparaît comme un symbole de la
transgression des frontières du temps et de l’espace. Une méthode qui ouvre une
nouvelle brèche dans le temps. Ce qu’ils appellent
« l’ infraphysique » se présente comme une entreprise à la fois
artistique et philosophique qui cherche à transgresser les conceptions usuelles
du temps pour créer un temps cosmique qui irradie par le profil de Rubin, une
multitude des points de vue sur l’art, le texte, le cinéma qui ouvre une
multitude de niveaux inconnus jusqu’à présent. Alice est souvent invoquée pour
souligner l’espoir que peut contenir le monde derrière le miroir si l’on sait
s’y rendre sans crainte. Alice ne change pas avec le monde inversé dans lequel
elle pénètre, mais reste elle-même à l’intérieur d’une distorsion totale de son
entourage. Alice dans le miroir est la même Alice qui se souvient de sa maison,
de sa sœur, de son chat, de tout ce qui constitue son monde, et c’est telle
quelle qu’elle intègre le monde spéculaire. Dans ce monde, toutes les lois sont
différentes, les animaux parlent, il faut employer toute son énergie afin de
demeurer à la même place et l’on va à une fête avant d’y avoir été invité. Mais
Alice est imperturbable. Alice s’inquiète pour sa personne du point de vue de
la quantité. Quand elle se voit diminuer de taille pour atteindre seulement
vingt-cinq centimètres, elle dit qu’elle n’a guère plus assez de personne pour
en faire une seule. L’humour de Lewis Carroll nous indique une manière de se
détacher du sérieux de la vie qui permet en effet à Alice de survivre sans
dommages à toutes les contrariétés. C’est aussi parce qu’elle se raconte tout à
elle-même et se pose effectivement à l’intérieur de la lecture du livre comme
un personnage dédoublé, à la fois acteur et narrateur de toutes ses aventures. Cette
identité forte peut signifier notre seuil identitaire qui nous permet de nous
reconnaître et de nous retrouver dans un monde qui change continuellement,
précisément par la narration ou l’auto-narration. Nous nous reconstruisons et
nous re-créons notre identité à chaque instant, et ce n’est que lorsque des
années auront passé que nous pourrons nous positionner par rapport à un moment
dans le passé et nous demander si nous sommes toujours la même personne. Ici
encore, les recherches sur la mémoire peuvent nous apporter des indications
précieuses. Même si nous changeons évidemment avec le monde, nous restons
conscients de nous-mêmes et nous arrivons à nous retrouver dans ce chaos la
plupart du temps. Les changements des choses nous permettent même de créer une
identité changeante comme celle de nous-mêmes.
Le seuil
est à la fois arrêt et mouvement parce que, sur le seuil, on ne demeure pas. Ce
ne sera pas un chez soi que l’on trouve, le chez soi est dans le mouvement,
dans la quête, le déplacement, toujours au seuil d’un arrêt mais repoussé dans
le mouvement. Mais si nous considérons le seuil lui-même comme notre état
fondamental, nous pouvons dire que nous sommes continuellement pris dans cette
tendance à faire un pas vers autre chose. Tatjana Barazon
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