BORIS CYRULNIK : Ugly Ducklings
]…] When one comes back to life, is born a second time
and that memories hidden in the past arise, the fatal moment becomes sacred.
When staying with Gods one leaves the profane, and when returning to the upper
world, history becomes a myth. Accordingly there is a divorce between
melancholy of books and the ability for happiness. The outcome that
enables reliving would therefore be a transition, a slow metamorphosis, a long
process of changing identity. One must discover oneself and invite hardship on
oneself to be satisfied of the evidence for the right to life. When
children are passing away because they have nothing to love, they forgot how to
give way to warming up by others. They invent ordalic scenarios as if they
wished to being judged by life in order to obtain acquittal. This passage from
shadow to light, the escape from the cellar or walking out the tomb require to
learn again how to live another life. When
death moves away, life does not come back. One must look for it, learn again
how to walk, to breathe and to go into the general public. The wound is written
in history, stamped in the permanent memory as if the Ugly Duckling would
think:” In order to cause trauma one has to strike two blows.” The first stroke
in the real, gives rise to the injury or being torn by absence of love or
anything else. And the second stroke, in the representation of the real, raises
the suffering of being humiliated, abandoned. In order to cure the first
stroke, the body and the memory must achieve a slow process of healing. And to
lessen the suffering of the second stroke, one has to change one’s current idea
of what happened, of what people did, one has to reach the shifting of the
representation of one’s unhappiness and its staging. But it will take the Ugly
Duckling a very long time to understand that the scar is never certain. This
cracking forces the Ugly Duckling to work unceasingly to this never ending
metamorphosis. Then he will lead a swan life, beautiful but so fragile, because
he will never be able to forget his Ugly Duckling past. But, as he became a
swan, he will be able to think about it in an acceptable manner. Resilience,
getting away from sorrow and pain and yet becoming beautiful, has nothing to do
with invulnerability nor social success in life.
Boris Cyrulnik |
BORIS CYRULNIK :
Les Vilains Petits Canards
]…] Mais quand
on revient à la vie, quand on naît une deuxième fois et que surgit le temps
caché des souvenirs, l’instant fatal devient sacré. On quitte le profane quand
on côtoie les Dieux, et lorsqu’on retourne chez les vivants, l’histoire se
transforme en mythe. Il existe alors un divorce entre la mélancolie des livres
et l’aptitude au bonheur.
L’issue qui permet
de revivre serait donc un passage, une lente métamorphose, un long changement d’identité.
On doit se découvrir et se mettre à l’épreuve pour se donner la preuve qu’on a
le droit de vivre. Quand
les enfants s’éteignent parce qu’ils n’ont plus rien à aimer, ils ne savent
plus se laisser réchauffer. Ils inventent des scénarios ordaliques comme s’ils
souhaitaient se faire juger par la vie pour se faire acquitter. Ce passage de l’ombre
à la lumière, l’échappée de la cave ou l’issue du tombeau nécessitent de
réapprendre à vivre une autre vie. Quand la mort s’éloigne,
la vie ne revient pas. Il faut la chercher, réapprendre à marcher, à respirer,
à vivre en société. La blessure est écrite dans l’histoire, gravée dans la
mémoire comme si le vilain petit canard pensait : »Il faut frapper
deux fois pour faire un traumatisme. » Le premier coup dans le réel,
provoque la douleur de la blessure ou l’arrachement du manque. Et le deuxième
coup, dans la représentation du réel, fait naître la souffrance d’avoir été
humilié, abandonné. Pour soigner le premier coup, il faut que le corps et la
mémoire parviennent à faire un lent travail de cicatrisation. Et pour atténuer
la souffrance du deuxième coup, il faut changer l’idée qu’on se fait de ce qui
nous est arrivé, il faut parvenir à remanier la représentation de son malheur
et sa mise en scène. Mais
ce que le vilain petit canard mettra longtemps à comprendre, c’est que la
cicatrice n’est jamais sûre. Cette fêlure contraint le petit canard à
travailler sans cesse à sa métamorphose interminable. Alors il pourra mener une
existence de cygne, belle et pourtant fragile, parce qu’il ne pourra jamais
oublier son passé de vilain petit canard. Mais devenu cygne, il pourra y penser
de manière supportable.
La résilience,
le fait de s’en sortir et de devenir beau quand même, n’a rien à voir avec l’invulnérabilité
ni avec la réussite sociale.
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