Spatial
Justice in crisis 2 - If socio-spatial theory has amply elaborated “spaces
of neo-liberalism,” it has not attended to the “spaces of neoconservativism” to
nearly the same degree, nor has it attended to the ways in which the two are
contingently if also powerfully mutually re-enforcing. Socio-spatial theorists
have not described the spatial registers upon which neoconservativism relies,
but tend instead to see neoconservativism as an ideology that floats above, or
lurks within, neoliberal spatial transformations. Yet, if we accept with Brown
that neo-conservativism is a distinct mode of political rationality—one that
chaffs against neoliberalism in certain key respects—so too must
neo-conservativism produce a landscape, so too must it work through (and
produce) distinct spatial forms, that only contingently bolster the social
force of neoliberalism—and potentially disrupt it. Thus, I turn now to ask: what
are the spatial practices that are critical to neoconservativism’s
constructivist project? What are the key spatial registers through which
neoconservativism works to create a landscape in its own image, through which
it works to construct that which it claims already exists? And how does this
landscape work with that of neo-liberalism to produce what Brown terms a “new
political form,” one that cultivates a de-democratized citizenry—the “abject,
unemancipatory, and anti-egalitarian subjective orientation amongst a
significant swathe of the American populace”? As outlined earlier,
neo-conservativism is a mode of authoritarian nationalism in which home and
homeland are mutually constituted as under siege, and in which the defense of a
fiercely normative understanding of the family is yoked to and becomes a
modality of the defense of the imperial mission of United States—and vice
versa. The spatial registers critical to the construction of neo-conservativism
as a political rationality are thus those that help to produce as
axiomatic the
juridical, spatial, and psychic relay between (patriarchal) “home” and
(imperial) “homeland.” This logic can be seen in an extreme form in the
anti-immigration activism of the “Minuteman Civil Defense Corps,” which
describes itself as a “national citizen neighborhood watch, securing the
American border.” The organization promotes itself as the “nation’s largest
neighborhood watch group,” explicitly linking residential-scale crime
prevention initiatives designed to reduce home breakins to the work to secure
the geographic borders of the nation. The Minuteman and other border defense
organizations seek to incite the state to enact a more virulent defense of
borders—to build the border wall, faster, taller, higher ; a “fullon Israeli-style
Security Fence.” These border enforcement activist groups also organize to
defend a broad range of other locations which they define as a series of
internal borders under siege—from day-laborer pick-up stations to residential
zoning laws to taxes policy—which are depicted as the front-lines in the war
with those who would “destroy sovereign America.” The call to defend the
nation’s borders, which depicts a homeland broadly under siege, has become a
powerful mobilizing ideology of the “new” new right which has consolidated and
reorganized after 9-11. In addition, at least since Mike Davis’ City
of Quartz, critics have described the emergence of “Fortress
America”—an increasing proliferation of walls, gates, and home-security devices
along with new forms of social organization in single-family neighborhoods, and
new forms of private government, such as common interest developments (CIDs)
and residential homeowner associations (RHAs). These otherwise varied
landscapes cohere around the effort to secure the home against external forces
of instability and insecurity. The alarm-rigged house, the gated community, the
securitized urban street, the bordered nation: these are spatial forms that
have arisen in the context of the broad neoliberalization of the U.S., but they
cannot be said to cultivate precisely an entrepreneurial subject. Engin Isin has
recently identified the home/homeland nexus as a key domain in the production
of a subject whose conduct is governed not through its responsibilization—not
by appealing to the subject’s capacity to manage its own well being through the
prudent application of market-rationality, but through its “neuroticization,”
by appealing to the subject’s capacity to manage its “fears, anxieties, and
insecurities.” Isin terms this subject the “neurotic subject” and suggests that
it emerges alongside the neoliberal subject, indeed is mutually determining of
it. Isin sketches the contours of a neurotic subject, and identifies the
home-homeland relay as a particularly symptomatic domain for the cultivation of
the “neurotic citizen.” Lisa Brawley
La
justice spatiale en crise 2 - Si l’analyse socio-géographique a amplement travaillé la
question des « espaces du néolibéralisme », elle ne s’est pas
intéressée au même degré aux « espaces du néo-conservatisme », ni à
la manière dont les deux, de manière peut-être contingente, se renforcent puissamment
l’un l’autre. Les spécialistes de l’espace social n’ont pas décrit les
registres territoriaux sur lesquels repose le néo-conservatisme, et ont souvent
tendance à envisager le néo-conservatisme comme une idéologie qui flotte au
dessus ou s’immisce à l’intérieur des transformations spatiales néolibérales.
Pourtant, si on reconnaît comme Brown que le néo-conservatisme obéit à une
logique politique spécifique – logique qui diverge de celle du néo-libéralisme
sur certains points cruciaux – il y a fort à parier que le néo-conservatisme
lui aussi produit un paysage et génère des formes spatiales spécifiques qui
peuvent consolider la puissance sociale du néolibéralisme et qui peuvent aussi
éventuellement la contrecarrer. Je me tourne donc maintenant vers la question
suivante : quelles sont les pratiques spatiales qui sont cruciales pour le
projet constructiviste du néo-conservatisme ? Quels sont les registres
spatiaux fondamentaux à travers lesquels le néo-conservatisme œuvre à la
création d’un paysage à son image, à travers lesquels il travaille à la
construction de ce qu’il présente comme déjà existant ? Et comment ce
paysage œuvre-t-il, avec celui du néolibéralisme, à la production de ce que
Brown appelle une « nouvelle forme politique », qui forge une
collectivité dé-démocratisée et favorise dans une couche importante de la
population américaine une méprisable orientation contre les idées
d’émancipation et d’égalité? Comme nous l’avons souligné plus haut, le
néo-conservatisme est une forme de nationalisme autoritaire qui se représente
le territoire domestique et le territoire national comme assiégés, où la
défense acharnée de la norme familiale est liée à celle de la mission impériale
des États-Unis. Elle en devient une des modalités – et vice versa. Les
registres spatiaux essentiels à la construction du néo-conservatisme en tant
que logique politique sont donc ceux qui aident à construire comme axiomatique
le lien juridique, spatial, et psychique entre « espace domestique »
(patriarcal) et « territoire national » (impérial). Cette logique trouve sa
manifestation radicale dans l’activisme anti-immigration des « Minuteman
Civil Defense Corps », qui s’autoproclament « comités locaux de
citoyens pour la surveillance et la sécurité de la frontière américaine ».
L’organisation se décrit comme « le réseau de surveillance de quartier le
plus vaste de la nation », établissant ainsi un lien explicite entre d’une
part les associations de lutte contre la criminalité à l’échelle du quartier
résidentiel, dont la fonction est de lutter contre les cambriolages, et,
d’autre part, la protection des frontières géographiques du territoire
national. Les « Minutemen » et d’autres organisations de défense
incitent donc l’État à renforcer la sécurité des frontières, à construire plus
rapidement un mur frontalier toujours plus grand et toujours plus haut, pour en
faire une « véritable barrière de sécurité à l’israélienne». Ces groupes
d’activistes de la sécurité frontalière militent aussi pour la défense d’une
multitude de lieux qu’ils voient comme autant de frontières internes, elles
aussi assiégées, depuis les stations de ramassage des travailleurs journaliers
aux mesures fiscales organisant le zonage résidentiel : ces lieux sont
présentés comme les lignes de front d’une guerre menée contre ceux qui veulent
« détruire l’Amérique souveraine ». L’appel à la défense des
frontières nationales, qui présente le territoire national comme assiégé de
toutes parts, s’est transformé en une puissante idéologie capable de mobiliser
la « nouvelle » nouvelle droite, consolidée et réorganisée dans la
foulée du 11 septembre. Par ailleurs, comme bon nombre de critiques l’ont
souligné, à commencer par Mike Davis dans City of Quartz,
l’émergence de la « forteresse Amérique » s’est accompagnée d’une
prolifération tous azimuts de murs, de barrières, et d’autres dispositifs de
protection de la maison. Sont nées aussi de nouvelles formes d’organisation
sociale dans les lotissements de maisons individuelles et de nouvelles formes
de gouvernement privé, comme les villes privées (common interest dévélopments ou CID) et les associations de
résidents propriétaires (Residential
Homeowner Associations). Un seul objectif les rassemble :
protéger la maison contre des menaces externes d’instabilité et d’insécurité.
La maison sous alarme, la communauté fermée, la rue sécurisée, la nation
emmurée : telles sont les formes spatiales qui sont apparues dans le
contexte du néolibéralisme généralisé des États-Unis. On ne saurait dire
qu’elles forgent nécessairement un sujet entrepreneur. Engin Isin a récemment fait valoir le
rôle clé de l’articulation espace domestique/territoire national (home/homeland) dans la
construction d’un sujet dont la conduite est déterminée non pas par sa
responsabilisation – non pas en faisant appel à sa capacité à gérer son propre
bien être par l’application prudente d’une logique de marché – mais par sa
« névrotisation » – en faisant appel à sa capacité à gérer ses
« peurs, anxiétés et sentiments d’insécurité». Isin appelle ce sujet, qui
se serait développé parallèlement au sujet néolibéral, et même de manière
mutuellement déterminante par rapport à lui, le « sujet névrosé ». Il
en esquisse les contours et fait de la combinaison espace domestique territoire
national un thème particulièrement révélateur du développement du « citoyen
névrosé ». Lisa Brawley