Two
millenarian movements sprang up in Altai (Burkhanism or the Ak-Jang
[the White/Pure Faith], 1904) and in Western Mongolia (Ja-Lama
fiefdom, 1911) in response to Russian (Altai) and Chinese (Mongolia)
economic/cultural advances on nomadic societies. Earlier scholarship
has been focused on the Altaian White Faith, stressing its unique
nature and downplaying its links with the Ja-Lama movement and with
Mongol/Buddhist tradition in general. In contrast, this paper
suggests that preachers of the White Faith, who propagated the coming
of the legendary redeemer named Oirot, and warlord Ja-Lama, who
declared himself the reincarnation of Oirot prince Amursana,
capitalized on the same Oirot/Amursana prophecy shared by the
populations in both areas. It is also argued that in the early
20th century
the White Faith was gradually transforming into what could have
become an Altaian version of Tibetan Buddhism – a process that was
terminated by the advance of the powerful Communist prophecy that
hijacked and then secularized the Oirot and Amursana legends.
The
eight
versions of the Altaian heroic epic of Altai-Buuchai show that the
text integrates some elements rooted in different religious systems
(shamanism, burkhanism, Buddhism, orthodoxy), competing between each
other at this time in the region. Even though it is conceivable at
first to comprehend Altai-Buuchai as a local chief supported by his
assistant, one can observe that the figure of a messiah progressively
emerges: it is then possible to understand the text from a
Millenarian point of view. Altai-Buuchai’s mission echoes those of
Burhan’s messenger who, from the burkhanist prophecy, will deliver
the Altaians from Russian colonization.
Within
a century space, from Imperial to Federal Russia, the Buryat epic
material undergoes many changes (in form, content, function and end
purpose) as society becomes emancipated. Most ancient sources mention
more than a hundred narratives whose heroes have different names but
schemes share many common points. They all are called üliger,
“model”, and consist in long versified narrative songs, which are
performed according to strict rules and operate as rituals (aimed to
“prepare” for hunting, to repel hardships and enemies). As a
result of a series of changes, these epic songs make way for the mere
exaltation of the name and figure of a unique hero, Geser, who is
officially set up as a national cultural emblem. The analysis of the
Buryat variants of Geser’s epic lead not only to doubt they emanate
from the same epic tradition but also to question the relations
between oral tradition and writing as well as between myth and
history.
The
north-samoyedic epic describes an affluent pastoral society. The main
problem of this imagined society is its perpetuation because the men
have no need of material goods and therefore refuse to give their
daughters for reindeers or furs. So, murderous conflicts
systematically appear. A solution gradually emerges with an avenger
son who reinvents a very simple shape of alliance: the direct
exchange which avoids the problem of the "price of the woman."
These epics are closely associated with the fast development of
reindeer husbrandy in North Samoyedic groups and imagine what would
be a pastoral society having pushed to its limit a logic of
accumulation.
The
Dolgans form a society who lives in the Siberian Arctic, in the
northern peninsula of the Eurasian continent. Since the beginning
ofxxth century, researchers have gathered epics by then, sung or
told. From published texts, it becomes possible to observe some
structural rules. Some poetical formulations come too or differ. Thus
narratives changes show the richness and the subtlety of the epic.
The hero follows new path too, and then he tests social or religious
rules in connection with historical context and Dolgan religious
system.
The
communication practices are important part of many New Religious
Movements. Such
narratives (“epistles” as texts “sent from Above”), their
circulation into modern religious movement Ak-Jaŋ in the Altai
Republic are
important for
anthropological interpretation. These epistles are the source of
understanding indigenous “philosophy” which is considered by
movement’s participants as alternative knowledge having a bilingual
background (Altai and Russian). First of all I write about local
level of this life. At the same time I show the way of the texts from
local to regional level as a dialog between local community and
regional power.
Epistles
show an obvious logic of 'ritualized resistance' that is behind
indigenous movements. Alternative knowledge systems rely on the
former colonial mechanisms (pamphlets, brochures, newspapers and
books) which have played a key role in the construction of 'imagined
communities' similar to the expansion of the press in Europe at the
time of rising nationalism.
Deux
mouvements millénaristes se sont étendus en Altaï (le bourkhanisme
ou « Foi blanche », 1904) et en Mongolie occidentale
(fief de Ja-Lama, 1911) en réponse aux pénétrations économiques
et culturelles des Russes (Altaï) et des Chinois (Mongolie) dans ces
sociétés nomades. Les études précédentes ont mis l’accent sur
la « Foi blanche » altaïenne, insistant sur son
caractère exceptionnel et minimisant ses rapports avec le mouvement
de Ja-Lama et avec le monde Mongol et bouddhiste en général. Par
contraste, cet article soutient que les prêcheurs de la Foi blanche
qui ont annoncé la venue du sauveur légendaire Ojrot et le chef de
guerre Ja-Lama qui se déclara lui-même réincarnation du prince
Oïrat Amursana capitalisent sur la prophétie d’Oïrot/Amyrsana
qui circulait parmi les populations des deux régions. Au
début du xxe siècle,
la Foi blanche se transforma graduellement en ce qui aurait pu
devenir une version altaïenne du bouddhisme tibétain, avant que
l’avancée de la puissante prophétie communiste ne vienne
détourner et séculariser les légendes d’Ojrot et d’Amursana.
Les
huit versions de l’épopée altaïenne d’Altaj-Buučaj montrent
que le
texte intègre tout en les transformant des éléments venant des
différents systèmes religieux (chamanisme, bourkhanisme,
bouddhisme, orthodoxie) alors en concurrence dans cette région. Si
Altaj-Buučaj au début de ses aventures peut être pensé comme un
chef local, assisté par son auxiliaire, ses traits laissent peu à
peu apparaître en filigrane l’image d’un messie ; le texte
se comprend alors sur fond de millénarisme et la mission
d’Altaj-Buučaj renvoie à celle de l’envoyé de Burhan, qui,
selon la prophétie bourkhaniste, viendra délivrer les Altaïens de
l’avancée coloniale russe.
En
un siècle, de la Russie impériale à la Russie fédérale, la
matière épique bouriate change de contenu, de forme, de fonction et
de finalité à mesure de l’émancipation de la société. Les
sources les plus anciennes font état de plus d’une centaine de
récits dont les héros portent des noms différents mais dont les
trames ont de nombreux points communs. Tous sont qualifiés d’üliger,
« modèle » et consistent en longs chants versifiés
dont l’exécution, soumise à des règles strictes, a une fonction
rituelle (préparer la chasse, repousser maux et ennemis). Au terme
d’une série de changements, ces épopées chantées laissent place
à la simple exaltation du nom et de la figure d’un seul héros,
Geser, officiellement érigé en emblème culturel national.
L’analyse des variantes bouriates de l’épopée de ce héros
singulier conduit non seulement à douter qu’elles dérivent d’une
même tradition épique, mais aussi à s’interroger sur les
rapports entre tradition orale et écriture comme entre mythe et
histoire.
L’épopée
nord-samoyède décrit une société d’éleveurs opulente. Le
problème essentiel de cette société imaginée est celui de sa
perpétuation car les hommes n’ont nul besoin de biens matériels
et refusent donc de céder leurs filles contre des rennes ou des
fourrures, ce qui entraîne systématiquement des conflits
meurtriers. Progressivement une solution émerge avec un fils vengeur
qui réinvente une forme très simple d’alliance : l’échange
direct qui évite le problème du « prix de la femme ».
Ces chants épiques sont étroitement associés au développement
rapide de l’élevage du renne dans les groupes nord-samoyèdes et
imaginent ce que serait une société pastorale ayant poussé à son
terme une logique d’accumulation.
Les
Dolganes forment une société qui vit dans l’Arctique sibérien,
dans la péninsule la plus septentrionale du continent eurasiatique
(Taïmyr). Des chercheurs ont recueilli chez eux, depuis le début du
xxe siècle,
des épopées, chantées ou déclamées. À partir des textes
publiés, il devient possible d’observer des règles structurelles.
Des formulations poétiques reviennent ou diffèrent légèrement.
Les variations narratives témoignent ainsi de la richesse et de la
finesse de l’épopée. Le héros suit aussi de nouvelles
trajectoires et éprouve ainsi des règles sociales ou religieuses en
relation au contexte historique et au système religieux dolgane.
Les
pratiques communicationnelles sont un aspect important des Nouveaux
mouvements religieux. Les
« épîtres », des textes « envoyés d’en haut »,
et leur circulation dans le mouvement religieux moderne Ak-jaŋ dans
la république d’Altaï, composent
une source essentielle pour
une
interprétation anthropologique. Les épîtres sont une source pour
comprendre la « philosophie » indigène qui est
considérée par les participants au mouvement comme un savoir
alternatif avec un double arrière-plan, altaïen et russe. L’article
décrit la vie sociale des textes, au niveau local et au niveau
régional en dialogue avec le pouvoir.
Par
ailleurs, les épîtres manifestent une logique de « résistance
ritualisée » qui
accompagne
l’apparition des mouvements indigènes. L’ordre des savoirs
alternatifs s’appuie sur les anciens mécanismes coloniaux (les
tracts, brochures, journaux, livres) qui ont marqué la construction
des « communautés imaginaires » à la façon de
l’expansion de la presse en Europe au moment de la naissance des
nationalismes.