How
earth has fallen silent. - The
author presents a characteristic thesis, based on clearly identified
and described philosophical and anthropological foundation, stating
that we must learn a lot from the relation civilizations based on
oral traditions maintain with the environment (land, air, waters,
animals, plants). This relation ceased when 'earth has fallen silent'
for most human beings who still search understanding when, how and
why this relation stopped ; let us imagine what would be gained if we
would reestablish this bond. In Bali, Nepal, in natural and cultural
environments that connect one to condors, spiders, rocks, plants, one
can experiment a man-nature dichotomy feeling that completely
dissolves in line with the perception of a 'all' ; earth speaks.
However, this feeling disappears when back to the Western world, one
ceases hearing and feeling those overwhelming presences, finding
oneself locked in a world of human beings disconnected from the rest
of the universe.
David
Abram achieves the presentation, the decoding, the understanding of
the participatory nature of perception. Both following extracts
reflect the quality of his work : "the real duty of
phenomenology, as conceived by E. Husserl at the end of his career,
is the thorough demonstration of how each theoretical and scientific
practice emerged from the forgotten earth yet nourishing our
experience directly felt and lived, and has no other value and
signification than when referred to this first reality.". Then
about Merleau-Ponty : "Ultimately recognizing life and the
demonstration of our solidarity to this physical form, is like
recognizing our existence as similar to that of an animal among
others on earth and thus regain and reactivate the basis of our
thoughts.". David Abram shows that most oral tradition cultures
have a totally different way of thinking the world around us. Time is
perceived as cyclical, past and future often having the same value
oral tradition stories were linked to natural, circadian, lunar,
annual cycles. Furthermore, in many cases time and space were not so
different. The meanings of tails and stories were inextricably bound
to the places, and this anchoring was necessary to the explanation
and the transmission. When human communities grew in size and
complexity, writing came into being, first as ideographic symbols
which were representations of the natural world (Egyptian
hieroglyphs, Chinese ideograms and others). at that stage the link
between the signs of writing and their images to the real world was
maintained.
The
author then shows how the invention of alphabetical writing announced
a new human kind era during which time became a flow. Written and
fixed, oral tradition stories were separated to their places and
writing became a human artifact, filter between mankind and its
sensitive environment. The 'Sacred Breath' remained because the lack
of vowels in this first alphabetical writing required the reader to
fill the gasps with personal interpretation. The adoption of
alphabetical writing by the Greeks and the addition of vowels
amplified this severance between men and their sensitive planet. At
the time of Homer's Odyssey, the Greeks of before the writing
considered that the word for soul was referring to the breath, the
air that holds the universe, that gives life. From the time of
Socrates the soul was imprisoned in human skulls, privatized, leaving
the man separated from his earthly body.
Martin Guillemot,
« David
Abram, Comment
la terre s’est tue. Pour une écologie des
sens », Lectures [Online],
Reviews, 2014, Online since 20 January 2014, connection on 17 March
2014. URL : http://lectures.revues.org/13295
L’auteur
présente une thèse originale, basée sur un socle philosophique et
anthropologique clairement identifié et décrit, et affirme que nous
avons beaucoup à apprendre de la relation qu’entretiennent les
civilisations de tradition orale avec leur environnement (terre, air,
eaux, animaux, végétaux…). Cette relation a cessé quand « la
terre s’est tue » pour la plupart des humains qui cherchent
encore à comprendre quand, comment, et pourquoi cette relation a
cessé ; imaginons ce que nous gagnerions à retrouver ce lien. A
Bali et au Népal dans des cultures et des milieux naturels qui font
entrer en relation avec des condors, des araignées, des rochers ou
des herbes, on peut vivre une expérience pendant laquelle son
sentiment de dichotomie entre l’homme et son environnement se
dissout totalement dans la perception d’un tout ; la Terre lui
parle. Cependant, en rentrant en Occident, il cesse rapidement
d’entendre et de sentir ces présences qui l’avaient bouleversé,
se retrouvant enfermé dans un monde humain détaché du reste de
l’univers.
David
Abram parvient à présenter, à décrypter et rendre lumineux les
concepts sur la nature participative de la perception. Les
deux extraits suivants nous semblent témoigner de la qualité de ce
travail de vulgarisation : « La véritable tâche de la
phénoménologie, telle que E Husserl l’a conçue à la fin de sa
carrière, est la démonstration méticuleuse de la manière dont
chaque pratique théorique et scientifique naît du sol oublié et
pourtant nourricier de notre expérience sentie et vécue de manière
directe, et n’a de valeur et de signification qu’en référence à
cette réalité primordiale et ouverte ». Puis, au sujet de
Merleau-Ponty : « En fin de compte, reconnaître la vie du
corps et affirmer notre solidarité avec cette forme physique, c’est
reconnaître notre existence comme celle d’un animal parmi les
autres sur terre, et ainsi retrouver et réactiver la base de nos
pensées.». David Abram montre que la plupart des cultures de
tradition orale considéraient le monde qui nous entoure d’une
manière radicalement différente à la notre. Le temps y était
considéré comme cyclique, le passé et le futur ayant souvent la
même valeur, et les récits de tradition orale étaient liés aux
cycles naturels circadiens, lunaires ou annuels. De plus, le temps et
l’espace n’étaient pas distincts dans beaucoup de cas. Le sens
des contes et des histoires était indissociablement lié aux lieux,
et cet ancrage était fondamental pour l’explication et la
transmission du sens. Quand les sociétés humaines ont grandi en
taille et en complexité, l’écriture est apparue d’abord sous
forme de symboles qui étaient une représentation du monde naturel
(hiéroglyphes égyptiens, idéogrammes chinois entre autres). À ce
stade, le lien entre les signes de l’écriture et leurs images dans
le monde réel était en partie conservé.
L’auteur
montre alors que l’invention de l’écriture alphabétique a
ouvert une nouvelle période de l’humanité durant laquelle le
temps est devenu un flux. Écrits et figés, les récits issus de la
tradition orale se sont trouvés séparés des lieux, et l’écriture
est devenue un artéfact humain, filtre entre l’homme et son
environnement sensible. Le souffle du sacré restait cependant
présent, car l’absence de voyelles dans cette première écriture
alphabétique imposait au lecteur de combler ces vides par son
interprétation personnelle. L’adoption par les Grecs de l’écriture
alphabétique et plus tard
des voyelles va remplir
ce dernier espace correspondant à
l’environnement sensible et va
amplifier cette
séparation entre l’homme et sa
perception sensorielle de la planète. À
l’époque d’Homère, les Grecs d’avant l’écriture
considéraient que le terme « âme » se référait au
souffle, l’air qui tient l’univers et lui donne vie. Au temps de
Socrate, l’âme fut emprisonnée à l’intérieur du crâne des
humains, privatisée, laissant l’homme séparé de son enveloppe
sensuelle.
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