Intellectual
fetishism
and
photojournalism-The
intellectual fetishism, in which photojournalism is nowadays swathed,
gives rise to an effect of distance and remoteness in our perception
of photography as linked with contemporary art.
A
brace of quite different publications strive first and foremost to
produce a convergent effect. The first is by Charlotte Cotton, and
devoted to photography “in contemporary art”, while the second is
the catalogue of the photographic collection of the FRAC Rhône-Alpes
Institute of Contemporary Art and the Museum of Modern Art in
Saint-Etienne. Both nevertheless prompt the similar feeling that the
time has come for photography as contemporary art to appear in the
fleeting lens of the past.
Cotton,
for her part, submits this photography to a typology, and right away
reveals the need to fix phenomena
and, consequently, to infer that they are no longer part of a dynamic
capable of radically altering our viewpoint. So after emphasizing the
posterity of photo-conceptualism in contemporary photography (the
only real historical datum in the book), Cotton suggests that we make
a distinction between works based on differing “approaches” and
“methods”. Presentation (mise
en scène) inherited
from performance is followed by narrative incorporated within a
single image (picture-photograph), neutrality, the subject and the
issue of its prosaicness, intimacy and privacy, “moments of
histories” (documentary and aesthetic), and, last but not least,
the postmodernist attitude of “re-appropriations”. By the mere
listing of these “items”, the cross-checking which they
themselves suggest renders somewhat arbitrary the main texts which
follow each of the chapter introductions. Not only because works
might quite legitimately belong to several categories, but also and
above all because the serialization of examples, focused on just the
aesthetic criterion, produces collusions prohibited by an historical
approach. A single example: in the chapter on history and the
documentary we find the names of Allan Sekula, Paul Graham, Martin
Parr and Luc Delahaye, in particular. The presentation logic is not
harmed but it compromises the fact that certain practices and
attitudes produce, between them, certain thrilling contradictions. In
this particular instance, how two photographers from the Magnum
agency (Paar and Delahaye) are shifting their photojournalistic
praxis towards the art market by introducing a muddle between
documentary aesthetics (evidently at work in Sekula’s work, and
Graham’s) and reporting. The issue of the aestheticization of
photojournalism could well be raised here, but we remain caught in
the inventory game. This lack of dialectic does not detract from the
book’s practical, handbook-like aspect, by way of iconography and
the pinpointing of major questions, but it does neutralize an object
which actually seems to belong to bygone history.
La
Photographie en dialogues,
for its part, deals with an explicitly historical object, since what
is involved is an (albeit invariably open-ended) collection,
symptomatic of an enrichment devised in the mid-1980s. The collection
thus appears to comply with a heterodox modernist approach that was
championed at the time by the Musée d’Orsay in particular. This
approach is at once inspired by the photographic department of New
York’s MoMA (then run by John Szarkowski) and a political awareness
of the user value of images. The interview with Jean-François
Chevrier, who had been given carte
blanche to
put the collection together, comes across like an empassioned essay
steeped in ego-history. Man plunges back into a day and age where he
was seeking an alternative to aesthetic situations which he deemed to
be frozen–which applies just as much to the formalism of American
institutions (versus postmodernism) as to the French scene (pride of
place going either to the auteur or to plastic/visual
neo-pictorialism), or even the German one (subjective photography
versus the documentary conceptualism of the Bechers). “ The
collection thus becomes the work of a person just as much as, if not
more than, the symptom of a period–due to the very fact that, here,
a social, technical and cultural history of images shifts readily to
the background. By connecting these past concerns with these present
questions and challenges, Chevrier underscores his own project: the
updating of modern art within a context where art is now being “done
away with” by design. In Chevrier’s view, photography–and he
hammers home the fact that it lies somewhere between Fine Art and
media–has played a decisive role in this updating of modern art,
mainly through the two avenues he himself has taken: the form of the
picture taken as a critical notion, then, in the ensuing years, the
notion of document. But photography henceforth no longer plays this
part in the revision of modernism, and thus announces that it belongs
to a past episode in its history.
Lastly,
if the sense that a certain history has come full circle seems
justified, the “exit” of contemporary art represents, for
photography, the final episode, caught up today in a future
development that has not yet been predicted, and which we should
nevertheless analyse as one of the enthusing moments of this history.
All photos are fro M.R. Hasan http://mrhasanphotos.com/home/
Le
fétichisme intellectuel, qui entoure aujourd’hui le
photojournalisme, produit sur notre perception de la photographie
liée à l’art contemporain un effet d’éloignement. S’ils
peinent d’abord à produire un effet convergent, deux ouvrages
aussi différents que celui de Charlotte Cotton, consacré à la
photographie « dans l’art contemporain », et le
catalogue de la collection photographique de l’Institut d’art
contemporain-Frac Rhône-Alpes et du Musée d’art moderne de
Saint-Etienne, provoquent néanmoins le semblable sentiment que le
temps est venu, pour la photographie comme art contemporain,
d’apparaître dans la perspective fuyante du passé.
Pour
sa part, Cotton soumet cette photographie à une typologie et révèle
d’emblée la nécessité de fixer les
phénomènes et, partant, d’induire qu’ils ne sont plus dans une
dynamique susceptible de modifier radicalement notre point de vue.
Ainsi, après avoir insisté sur la postérité du
photoconceptualisme dans la photographie contemporaine (seule
véritable donnée historique de l’ouvrage), Cotton propose de
distinguer les œuvres en fonction de différentes « démarches ».
Ainsi se succèdent la mise en scène héritée de la performance, la
narration inscrite dans une seule image (photographie-tableau), la
neutralité, le sujet et la question de son prosaïsme, l’intimité,
les « moments d’histoires » (documentaire et
esthétique), et enfin l’attitude postmoderniste des
« réappropriations ». Au simple énoncé de ces
« entrées », les recoupements qu’elles suggèrent
elles-mêmes rendent quelque peu arbitraires les corpus qui font
suite à chacune des introductions de chapitre. Non seulement parce
que des œuvres pourraient fort légitimement appartenir à plusieurs
catégories, mais surtout parce que la mise en série d’exemples
indexés sur le seul critère esthétique produit des collusions
qu’interdirait une approche historique. Un seul exemple : au
chapitre sur l’histoire et le documentaire se succèdent notamment
Allan Sekula, Paul Graham, Martin Parr et Luc Delahaye. La logique de
présentation n’en est pas mise à mal, mais elle obère le fait
que certaines pratiques ou attitudes produisent entre elles des
contradictions passionnantes. Dans le cas présent, comment deux
photographes de l’agence Magnum (Paar et Delahaye) déplacent leur
pratique du photojournalisme vers le marché de l’art en
établissant la confusion de l’esthétique documentaire (clairement
à l’œuvre chez Sekula et Graham) et de celle du reportage. La
question de l’esthétisation du photojournalisme pouvait donc se
poser ici, mais l’on reste pris au jeu de l’inventaire. Ce manque
de dialectique ne retire pas à l’ouvrage son aspect pratique de
manuel, par l’iconographie et le repérage des grandes questions,
mais il neutralise un objet qui, de fait, semble appartenir à une
histoire révolue.
La
Photographie en dialogues expose
pour sa part un objet explicitement historique, puisqu’il s’agit
d’une collection (bien que toujours ouverte) symptomatique d’un
enrichissement pensé au milieu des années 1980. La collection
apparaît ainsi fidèle à une approche moderniste hétérodoxe
défendue notamment à l’époque par le musée d’Orsay. Approche
à la fois inspirée du département photographie du MoMA de New York
(alors sous la tutelle de John Szarkowski) et d’une conscience
politique de la valeur d’usage des images. L’entretien avec
Jean-François Chevrier, qui avait alors reçu « carte
blanche » pour constituer la collection, se présente comme un
passionnant essai d’égo-histoire. L’homme se replonge dans une
époque où il cherchait une alternative à des situations
esthétiques qu’il jugeait bloquées —aussi bien le formalisme
des institutions américaines (contre le postmodernisme) que la scène
française (primat de l’auteur ou d’un néo-pictorialisme
plasticien) ou bien encore allemande (Subjective photographie contre
conceptualisme documentaire des Becher). Il revendique ses choix :
la thématique du corps, l’articulation d’images d’époques
différentes, la volonté de penser l’histoire de l’art avec la
photographie. Et partant, d’ignorer le faux débat sur photographie
de photographes ou photographies d’artistes. L’attitude
permanente de surplomb permet de présenter avec la cohérence
apparente que donne parfois la mise en récit du passé des choix
dont il est souvent rappelé qu’ils dépassaient la compréhension
des commissions d’acquisition. La collection devient ainsi l’œuvre
d’un homme tout autant sinon plus que le symptôme d’une époque
—du fait même que passe ici volontairement au second plan une
histoire sociale, technique et culturelle des images. Reliant ses
préoccupations passées à ces questionnements présents, Chevrier
insiste sur son projet : actualiser l’art moderne dans un
contexte où l’art est désormais « liquidé » par le
« design ». Selon Chevrier, la photographie —dont il
martèle qu’elle se situe entre Beaux-arts et médias— a joué un
rôle déterminant dans cette actualisation de l’art moderne,
principalement par les deux voies qu’il a lui-même empruntées :
la forme du tableau comprise comme notion critique puis, dans les
années suivantes, la notion de document. Mais la photographie ne
jouerait désormais plus ce rôle dans la révision du modernisme, et
signerait ainsi son appartenance à un épisode passé de son
histoire.
Finalement,
si le sentiment qu’une certaine histoire s’achève semble
justifié, la « sortie » de l’art contemporain en
constitue pour la photographie l’ultime épisode, pris aujourd’hui
dans un devenir que nul n’a encore prédit et qu’il faudra
néanmoins analyser comme un des moments passionnants de cette
histoire.
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