8/31/2015

Kazakistan 2 - dünyaların organizasyonu kaybolma - Kazak tarihinin yeniden yazma, Cengiz Han ve Timur < yakın tarihi silme < kültürel kimlik için yıkıcı kandırmaca

Worlds organisation disappearance – In contemporary Kazakhstan many various factors of identity do not, strictly speaking, provide a definition for a Kazakh nation, but show – according to Pierre Bonte's and Michel Izard's definition of identity - an endlessly renewed codification of cultural differences between neighbouring groups. Thus construction methods, the processing and the restructuring of social standards are operating in a momentum far beyond the traditional Kazakh individual 'being-in-the-world'. With the will of building a Kazakh identity comes a religious factor exploited by governing powers. What is being played out in contemporary Kazakhstan seems to belong to a range of strategies and practices tending to prevent the effects of the transition from a traditional economic production model to an unbridled liberalism. When searching solutions, Kazakh population is turning to beliefs that feed from the great Central Asian heroic figures of former empires. In this specific frame, the person of the bakhs(Sufi shaman) represents a reliable reference point while the future is full of uncertainty. Ethnic origin and social status do no affect the resort to the bakhs in order to find a solution to their problems. Together, contemporary religious practices are subject to two determination types: on the one hand traditions, and Islam on the other hand. The traditional aspect refers to pre-Islamic legacy of Siberian shamanism, ancient Zoroastrian religion, Buddhist and Nestorian influences. Popular Islam is almost only Sufi. The contemporary period is characterized by the arrival of a normative Islam and Korean Pentecostal charismatic groups. How did the cosmological organisation of the Kazakh worlds disappear as fast as it resisted the Sovietisation? Nowadays, will the massive inflow, due to rural exodus, of mainly Kazakh speaking populations in urban environments, change the linguistic configuration of cities? Nothing could be less certain. The Russian language remains transnational within the former USSR and most of all, westernisation gives a unique local boost to English. The impoverishment and simultaneously the increase in needs diminished the traditional solidarity network as it is whittled away. In the traditional system of beliefs, people had to assist each other according to the requirement towards human beings to preserve the worlds balance. Market logic lead to the disappearance of this reference. All governmental services became chargeable. Water, electricity, gas, phone, health services, are in the process of being privatised and consequently the marginalisation of those who can't pay. One of the keys for reading the contemporary situation is the breach introduced and intended by the authorities since the independence. Cultural identity is a legitimate aspiration, but divorced from necessary growing awareness of the historical situation, it can become dangerous. The re-writing of Kazakh history in view of great figures as Genghis Khan and Timur, erasing recent history leads to a devastating trickery. The loss of collective points of references and the withdrawal into nuclear family can undermine the social organisation as a whole. Until now the younger child inherited the family yurt and looked after his old parents. The exodus to the towns and the duty to find work outside of the family inheritance shows a dramatic isolation of the elders. To die alone without means and the presence of the step daughter to look after the dwelling was until now unthinkable when nowadays common. The situation is nevertheless paradoxical. The plurality of the former organised worlds around the vertical axis of the 'tree of worlds' disappears in favour of a world in the singular that, before it had time to organise, got trapped in globalisation. Bearing in mind that the Kazakh worlds were superimposed, each inhabited by divinities and spirits, and also that the world of human beings found its structure in cardinal points, remembering the organisation of the terrestrial incarnation in cycle from west to east, from place of birth to return of death, how can contemporary Kazakh society delete this entire reason end desire for movement? This virtual world replaces the real and that in the very heart and foundations of the Kazakh Nation: transition to a national identity, that is to an imaginary community, transition to a Muslim religion identity and that is to a same imaginary community of the great Muslim international community. The Kazakh society semi-nomadic is confronted to the fundamental movements of modernity: chronic transformations of the representation of the real and gradually the integration of the Kazakh worlds in a virtual globalized world. Anne-Marie Vuillemenot

young kazakhs by Salkitdin Aitbayev

Disparition de l'organisation des mondes - Dans le Kazakhstan contemporain apparaissent en nombre des facteurs identitaires qui ne permettent pas de définir à proprement parler une nation kazakhe, mais qui montrent, suivant la définition de l’identité de Pierre Bonte et de Michel Izard, « une codification constamment renouvelée des différences culturelles entre groupes voisins » (Bonte et Izard 1991 : 243). Aussi les modes de construction, la transformation et la recomposition des normes sociales s’inscrivent-ils dans une dynamique qui dépasse de loin l’être-au-monde traditionnel de la personne kazakhe. Dans la volonté de construire une identité kazakhe, le facteur religieux se trouve instrumentalisé par le pouvoir en place. Ce qui se joue dans le Kazakhstan contemporain me semble appartenir à un vaste ensemble de stratégies et de pratiques qui tendent à conjurer les effets du passage d’une économie assistée à un libéralisme effréné. A la recherche de solutions, la population kazakhe se tourne vers des systèmes de croyances qui s’alimentent aux grandes figures héroïques de l’Asie centrale des empires. Dans ce cadre, la personne du bakhsi (chaman-soufi) apparaît comme un point de repère fiable alors que l’avenir est chargé d’incertitudes multiples. Origine ethnique et statut social confondus, nombreux sont ceux qui se rendent chez un bakhsi pour trouver une issue à leurs difficultés. L’ensemble des pratiques religieuses contemporaines est soumis à deux types de déterminations : traditions d’une part, islam d’autre part. L’aspect traditionnel fait référence à l’héritage pré-islamique du chamanisme sibérien, de la vieille religion zoroastrienne et des influences bouddhiste et nestorienne. L’islam populaire est presque exclusivement soufi. La période contemporaine se distingue par l’arrivée d’un islam plus normatif et de mouvements charismatiques tels que celui des pentecôtistes coréens. Comment l’organisation cosmogonique des mondes a-t-elle pu disparaître aussi vite alors qu’elle avait résisté à la soviétisation ? Aujourd’hui, l’apport massif, dû à l’exode rural, d’une population majoritairement kazakhophone en milieu urbain va-t-il changer la configuration linguistique des villes ? Rien n’est moins sûr. Le russe reste une langue transnationale au sein de l’ex-URSS et surtout, l’occidentalisation en cours donne à l’anglais un nouvel essor local. La paupérisation et, parallèlement, l’augmentation des besoins ont réduit le réseau de solidarité traditionnel à une peau de chagrin. Dans le système traditionnel de croyances, il fallait s’entraider au nom de l’obligation faite aux humains de préserver l’équilibre des mondes. L’arrivée de la logique de marché a fait exploser cette référence. Tous les services de l’État sont devenus payants. L’eau, le téléphone, le gaz, l’électricité, le système de santé sont en voie de privatisation avec pour conséquence l’exclusion de ceux qui ne peuvent payer. Une des clefs de lecture de la situation contemporaine est la rupture introduite et voulue par les autorités depuis l’indépendance. L’identité culturelle est une aspiration légitime, mais coupée de la nécessaire prise de conscience de la situation historique, elle est dangereuse. La ré-écriture de l’histoire kazakhe au regard de grandes figures telles que Gengis Khan et Timour, en gommant l’histoire récente, conduit à un artifice dévastateur.  La perte de repères collectifs et le repli sur la famille nucléaire risquent d’atteindre en profondeur l’organisation sociale. Jusqu’alors, le cadet héritait de la yourte parentale et s’occupait de ses vieux parents. La fuite vers les villes et l’obligation de se trouver du travail en dehors de la succession familiale laissent apparaître un isolement dramatique des personnes âgées. Mourir seul et sans ressources, sans une belle-fille pour s’occuper du foyer, était jusqu’alors impensable ; aujourd’hui, c’est monnaie courante. La situation est pour le moins paradoxale. La pluralité des mondes organisés autour de l’axe vertical de l’arbre des mondes tend à disparaître au profit d’un monde au singulier, mais ce dernier se trouve mondialisé avant même d’avoir eu le temps de s’organiser. En se rappelant que les mondes kazakhs se superposaient les uns aux autres, chacun habité par des divinités et des figures d’esprits, mais aussi que le monde des humains se structurait d’après les points cardinaux alliant la gauche au nord et la droite au sud, en se remémorant encore que l’incarnation terrestre s’organisait en cycle à partir de l’ouest vers l’est, lieu de la naissance, jusqu’au retour de la mort à l’ouest, comment la société kazakhe contemporaine peut-elle gommer sa raison profonde de mouvement ? Le virtuel se substitue au réel et ce dans les fondements même de la nation : passage à une identité nationale, c’est-à-dire à une communauté imaginaire, à une identité religieuse musulmane et à l’appartenance à une communauté tout aussi imaginaire, celle de la grande communauté musulmane internationale. Cette société kazakhe semi-nomade s’est trouvée – et se trouve encore – confrontée aux mouvements fondamentaux de la modernité, à savoir : les transformations chroniques du réel en sa représentation et peu à peu à une inscription de leur(s) monde(s) dans un monde virtuel globalisé. Anne-Marie Vuillemenot


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