Aspects
of orientation in contemporary pastoral practices and ritual
performances of reindeer herders in northern Kamchatka
Among
the reindeer herders of northern Kamchatka (far east Siberia),
pastoral practices and ritual performances reveal a similar
connection to orientation. In the village of Ačajvajam, this
relationship expresses itself explicitly in the spring, when
Chukchee, Even and Koriak herders together build a paddock
in order to separate the female reindeer from the rest of the herd
before calving time, and then celebrate the birth of the fawns in the
residential outskirts of their village. Never consistently fixed, the
pragmatic and symbolic marks of orientation determine a moving
topography in which the positions of humans, animals and “spirits”
sometimes overlap with one another or even take the place of each
other. In this perpetual movement, body gesture (dancing) and vocal
gesture (guttural sounds, melodic songs)
appear as powerful markers of orientation.
During
spring the creation of the paddock starts a few weeks before the
first births in reindeer herds. For many herdsmen families, movements
in the tundra generated by this process are of major importance for
the purpose of the ritual kilvèj.
In
addition to the fun of getting together for some time in the tundra
and the pleasure of watching the “reindeer herds moving”, their
presence far from the village at this time of the year is an
opportunity for the necessary preparations of the ritual ceremony.
These
preparations concern three aspects: the separation of the female
reindeer from the rest of the herd, the count of the number of the
herd and finally the marking of domestic reindeer. In a broad sense
each of these arrangements is related to the ritual orientation as it
will appear in different forms during the kilvèj
(dance
and song). In
order to perform these tasks, men,
women and children who don't live any more in the tundra,
need to converge to a fixed location. Throughout
the course of the creation of
the
paddock, continuous movements of people (traveling in reins or dogs
team or on foot) between the village and the provisional settlement
where the little tents palatka
have been set up. Each of those shelter 8 or 9 persons following the
system of patrilocal residence,
half a dozen little
tents palatka
is needed (in addition to those sheltering permanently the herders)
to house the voluntary performers. The tents are always set up with
the opening to the “life” onatgyjŋyn,
“life” “East”, that however allows some variations since the
East represents a general direction (there, where the sun rises) much
more than a fixed point relative to the magnetic pole. The
location of camp and paddock choice on the transhumance land is
always decided regarding a prominent topographic element and
situated near settled herds so that the latecomers easily find the
campsite. In a broad sense, these elements form a ground network of
visible beacons enabling one to locate oneself and to travel in the
tundra: “mount of the wolves”, “two ears mountain”, “muffle”,
“stone”, also such as the meander of a river kul'tbaza,
are fixed landmarks in a particularly changing environment. In such a
perpetual motion context as is nomadic life, the paddock represents a
reliable orientation point to locate the reindeer herds, to ensure a
temporary steadiness
in the tundra and to
mark all movements
routes
between the village and the temporary campsite.
Beyond
the foothold details on the local
housing arena the kilvèj
ritual possesses internal
dynamics of its own. The latter is first and foremost related to
cooking: the essential principle of this ceremony is to generously
feed the different groups of beings interacting in the process of
renewal of life, those are human beings, spirits and reindeer. Almost
all ritual sequences are directed towards culinary purposes which
have various meanings.
Aspects
de l’orientation dans les pratiques pastorales et les performances
rituelles contemporaines des éleveurs de rennes du Nord-Kamtchatka
Chez
les éleveurs de rennes du Nord-Kamtchatka (Extrême-Orient sibérien,
Fédération de Russie), les pratiques pastorales et les performances
rituelles laissent entrevoir un même rapport à l’orientation.
Dans la petite communauté villageoise d’Ačajvajam, celui-ci
s’exprime de manière particulièrement explicite au printemps,
lorsque les éleveurs tchouktches, évènes et koriaks érigent
ensemble un enclos
en toundra pour diviser les troupeaux avant la mise bas, puis
célèbrent la naissance des faons dans les périphéries
résidentielles de leur village. Jamais totalement fixes, les repères
pragmatiques et symboliques de l’orientation déterminent une
topographie mouvante dans laquelle les positions des hommes, des
animaux et des « esprits » peuvent parfois se chevaucher,
voire se substituer les unes aux autres. Dans ce mouvement perpétuel,
le geste corporel (danse) et vocal (sons de gorge, chant mélodique)
apparaissent comme des puissants marqueurs de l’orientation.
La
mise
en place
printanière débute quelques semaines avant les premières
naissances dans les troupeaux de rennes. Aux yeux des familles
d’éleveurs, les déplacements en toundra que cette opération
engendre sont d’une importance capitale en vue du kilvèj à
venir. Outre le simple plaisir de se retrouver pour quelque temps en
toundra et de « voir bouger les rennes », leur présence
loin du village à cette période de l’année est l’occasion
d’effectuer tous les préparatifs nécessaires en vue du rite.
Ceux-ci concernent essentiellement trois aspects : la séparation des
rennes femelles du reste du troupeau, le décompte du troupeau et,
enfin, le marquage des rennes domestiques. Chacune de ces opérations
a un rapport avec l’orientation rituelle au sens large, telle
qu’elle apparaîtra sous des formes diverses lors du kilvèj (danse
et chant notamment).
La
réalisation de ces travaux implique la convergence momentanée vers
un lieu fixe et déterminé d’hommes, de femmes et d’enfants ne
vivant plus en toundra. Pendant toute la durée de la mise
en place de l'enclos,
des déplacements ininterrompus de personnes (en tracteur, avec un
attelage de chiens ou de rennes, à pied) sont ainsi effectués entre
le village et le campement provisoire où sont montées
les palatka(« petites
tentes »). Chacune abritant en moyenne 8 ou 9 personnes
selon le principe de résidence patrilocale, il en faut une
demi-douzaine (en plus de celle permanente où dorment les éleveurs)
pour accueillir tous les participants bénévoles. Les tentes sont
toujours montées avec l’ouverture orientée vers « la vie »
(jonatgyjŋyn,
« vie », « Est »), ce qui n’empêche pas
des variations dans leur positionnement puisque l’Est correspond à
une direction générale (là où se lève le soleil) bien plus qu’à
un point fixe défini par rapport au pôle magnétique. En ce qui
concerne le choix de l’emplacement du campement et de
l'enclos
sur le territoire de transhumance, il est toujours arrêté par
rapport à un élément topographique connu et situé à proximité
de l’endroit où se trouvent déjà les troupeaux (de telle sorte
que les retardataires puissent rejoindre seuls le campement). De
manière générale, ces éléments forment entre eux un réseau de
balises visibles permettant à chacun de se repérer et de se
déplacer en toundra : « montagne des loups »,
« montagne aux deux oreilles », « moufle »,
« pierre », tel méandre de telle rivière,
une kul’tbaza sont
autant de repères fixes dans un environnement qui, au demeurant,
s’avère partiellement mouvant. Dans un tel contexte de mouvement
perpétuel, l'enclos
représente donc un point d’orientation fiable pour localiser les
troupeaux de rennes, pour assurer une part momentanée de fixité
dans la toundra, et pour baliser des itinéraires de déplacement
entre le village et le campement provisoire.
Au-delà
de ses modalités d’ancrage sur l’échiquier résidentiel local,
lekilvèj possède
aussi une dynamique interne qui lui est propre. Celle-ci est avant
tout d’ordre culinaire : le principe essentiel de ce rite est
de nourrir abondamment les différentes classes d’êtres
interagissant dans le processus de renouvellement de la vie, à
savoir les humains, les esprits, les rennes. La quasi-totalité des
séquences rituelles est ainsi orientée vers un impératif culinaire
dont la portée est multiple.
photos from this blog:http://lindabortoletto.com/chukchi-of-kamchatka-winter/
http://emscat.revues.org/1008#tocto1n3
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