7/31/2013

Orientalism ; the science of the orientalist placed at the service of the colonial conquest

Orientalism
Orientalism is more then a specific academic discipline. It is “an exchange between individual authors and wide political endeavours, formed by the British, French and American empires, on intellectual and imaginary area.” This is the original proposal from E.Said, his work which is not a reporting on Oriental studies but a criticism of the Western cultural imperialism. He has a vast corpus of research: literature about Eastern world, scientific or fictional, French, English and American.
Through the first section, E.Said analyses the sphere of thought and the area of action that the word ‘orientalism’ includes. Sphere of thought of Biblical Scholars onto the end of the 18th century, orientalism becomes then a systematic western approach as “a subject of discovery, study and fieldwork”. Its development coincides with colonial expansion of the West in the East, following a dynamic of knowledge and power. “Knowledge gives power, greater power needs more knowledge etc… again following a dialectic of information and control more and more profitable.” The tone of this relationship between Europe and Middle-East is given during the invasion of Egypt in 1798 by Bonaparte. Inspired by the work of the French traveller in Egypt, the Comte de Volnay, he attracted the Egyptian population. He then allows European researchers to consider Egypt in fact as a “fieldwork department for French sciences”. This is the first step to an extended series of European ‘projects’ in the East, in which the science of the orientalist is placed at the service of the colonial conquest, the scholarly discourse is metamorphosed into imperial institution. Orientalsim has been dominated by a “feeling of confrontation’” that the Western world experience since Antiquity when dealing with the Eastern world. This feeling is to be found in early literature of classical Greece, in the Iliad, the tragedy of Aeschylus and the Bacchae of Euripides, through an fictitious geography: the Western world draws a fake demarcation line between East and West, and that allows to stage the East as “its great complementary contrary.”.

“Extreme form of realism” and “anatomical and enumerative rhetoric”, orientalism exerts a force on three directions: on the East that is going to be re-created, on the orientalist who is being told the keys and codes of understanding the East, on the western consumer facing a representation of the East as the real East. Short summary of “Orientalism” by Edward Said.

L’orientalisme
L'orientalisme est plus qu'une discipline universitaire. C'est « un échange dynamique entre les auteurs individuels et les vastes entreprises politiques, formées par les empires britannique, français et américain, sur le territoire intellectuel et imaginaire ». Telle est la proposition originale d'E. Said, dont le travail est moins une chronique des études orientales qu'une critique de l'impérialisme culturel de l'Occident. Son corpus est vaste : écrits sur l'Orient, savants ou de fiction, français, anglais et américains.
Dans une première partie, E. Said analyse le domaine de pensée et d'action que couvre le mot « orientalisme ». Domaine des érudits bibliques jusqu'à la fin du 18e siècle, l'orientalisme devient alors une approche occidentale systématique de l'Orient comme « sujet de découverte, d'étude et de pratique ». Son développement coïncide avec l'expansion coloniale de l'Occident en Orient, selon une dynamique entre le savoir et le pouvoir. « Le savoir donne le pouvoir, un pouvoir plus grand demande plus de savoir, etc., selon une dialectique d'information et de contrôle de plus en plus profitable ». Le ton de cette relation entre l'Europe et le Proche-Orient est donné par l'invasion de l'Egypte, en 1798, par Bonaparte. Ce dernier s'inspire de l'oeuvre d'un voyageur français en Egypte, le comte de Volnay, pour séduire la population égyptienne. Il ouvre alors l'Egypte à l'investigation des Européens et en fait « un département de la science française ». C'est le prélude à une longue série de « projets » européens en Orient, dans lesquels la spécialité de l'orientaliste est mise directement au service de la conquête coloniale, le discours savant se métamorphose en institution impériale. L'orientalisme, a été dominé par un « sentiment de confrontation », que l'occident éprouve depuis l'Antiquité dans ses rapports avec l'Orient. Ce sentiment se traduit dès la Grèce classique, dans L'Iliade, Les Perses d'Eschyle, ou Les Bacchantes d'Euripide, par une géographie imaginaire : l'Occident trace une ligne de démarcation fictive entre l'Est et l'Ouest, qui lui permet de mettre en scène l'Orient comme son « grand contraire complémentaire ».
« Forme extrême de réalisme » et « rhétorique anatomique et énumérative », l'orientalisme exerce ainsi une force dans trois directions : sur l'Orient, qu'il recrée, sur l'orientaliste, à qui il fournit une grille et des codes pour son approche de l'Orient, et sur le consommateur occidental de l'orientalisme à qui il présente la représentation de l'Orient comme le véritable Orient.

7/29/2013

Aspects of identity in the charismatic legitimation of power through the distribution of food in Central Asia

This paper explores, in the case of Central Asia, some aspects of the relationship that exists between the transformations in the modes of legitimation of political power, on the one hand, and those in communitarian identities, on the other. A central aspect of this socio-political correlation is the distribution of food organized by political powers and toward the power inside tribal confederations and later by other political regimes. By virtue of the specific way in which these distributions are organized and their moral valorization, these practices characterize a transversal cultural data in this particular area. The evolution of these practices and their continuation in other forms characterize different ways of political government but also implicate some transformation in identity among these communities, which had been under the rule of the Russian empire, therefore, later integrated to the Soviet Union, and finally became independent nations.


Among tribal societies, two types of organisations are to be found (which can sometimes function as a pair). On the one hand those where confederations, without fixed caste nor fixed aristocracy and culturally relatively homogenous, bring together around the Khan an assembly of tribal leaders representative of the cluster groups composing the assembly. On the other hand those with an ‘imaginary’ system wherein the elite of the dominant confederation, having conquest many of the other groups, evolve in aristocracy. But in both cases, in the absence of geographical maps and modern means of communication, the flexibility of ceremonial exchanges of food allows these communities to create a shared community identity. Arnaud Ruffier 

Logiques de l’identification générées autour de la distribution de nourriture en Asie centrale : étude de la transformation d’un aspect du mode de légitimation du pouvoir politique

Cet article appréhende, dans le cas de l’Asie centrale, les relations qui existent entre les transformations, d’une part, des modes de légitimation du pouvoir politique et, d’autre part, des identités communautaires. Un aspect central de cette corrélation sociopolitique concerne les distributions de nourriture par le pouvoir et vers le pouvoir au sein des confédérations tribales puis dans les régimes politiques qui ont suivi. Ces pratiques, par la spécificité de leur mise en œuvre et leur valorisation morale, représentent une donnée culturelle commune à l’ensemble de cette aire géographique. Leur évolution ainsi que leur maintien sous d’autres formes caractérisent la transformation des régimes politiques, tout en impliquant une modification des identités communautaires dans cette région, passée dans l’empire russe, puis intégrée par l’identité soviétique avant d’être divisée en nations indépendantes.
Parmi les sociétés tribales centrasiatiques, on peut distinguer deux types d’organisation (pouvant parfois fonctionner de pair). D’une part, celles où des confédérations sans caste ni aristocratie fixe et culturellement relativement homogènes réunissent autour du khan une assemblée de chefs tribaux représentative des différents groupes segmentés composant la confédération. D’autre part, celles où se développe un imaginaire de “caste” où l’élite d’une confédération dominante, ayant conquis nombre d’autres groupes, se mue en aristocratie.
Mais dans les deux cas, en l’absence de cartes et de moyens modernes de communication, l’organisation festive et l’échange cérémoniel de nourriture permettent à ces communautés, par sa souplesse, de créer une identité communautaire partagée. Arnaud Ruffier 

7/25/2013

The construction of collective identities according to Central Asian professional statutes (risāla)

This article deals with the construction of collective identity among craftsmen in the predominantly sedentary regions of Western and Eastern Turkestan during pre-colonial and colonial times (nineteenth and twentieth centuries). Although it has been widely acknowledged that profession and especially affiliation to a professional group serve as a source for the construction of identity, we do not know much about the precise mechanisms through which these identity markers operate. This study is based on the research of about two hundred “crafts’ statutes” (risāla), the only kind of text originating in the craftsmen’s milieu proper which we possess. We see that the cohesion of a professional group rests largely, at least ideally speaking, on the perception of an imagined shared ancestry for each professional group.

The risāla is the only original text from craftsmanship environment we possess. This narrative is written in vernacular language (turkī, ouzbek, persan-tadjik, ouïgour, pachto), interspersed with prayers in Arabic, depicting the basis of a professional group. A unifying text  that creates a spirit of brotherhood among the same corporate group members. Three key elements are to be found in the risāla, the religious legitimisation of the professional activity, the transfer of spiritual knowledge and the emergence of an identity affiliation. The risāla makes a clear distinction between the master craftsmen who perform their kasb and don’t own a personal copy of the risāla or without following its prescriptions and those who work as affiliated to the pir of the profession through one risāla. To ignore the pir founder of the profession and to refuse to follow the guidelines of the risāla make the practice of the profession soiled, illegitimate in the religious significance, ḥarām .

In the spoken languages of the Central Asian region, two words show descent through lineage: šaǧara and silsila. The šaǧara refers to consanguineous relation; the silsila to a spiritual relation. Thus the risāla refers to the belonging to a silsila – a spiritual lineage of legendary master craftsmen – and gives value to loyalty and solidarity. Jeanine Elif Dağyeli

La construction des identités collectives d’après les chartes des corps de métier (risāla) en Asie centrale.

Cet article se propose d’explorer les formes de construction identitaire propres aux communautés d’artisans des régions sédentaires du Turkestan occidental et oriental, dans la période précoloniale et coloniale (XIXe et XXe siècles). Malgré l’insistance répétée sur le fait que la profession, et plus encore l’appartenance à un corps de métier, servent communément de fondement à l’identité, les mécanismes par lesquels se manifestent de tels marqueurs identitaires restent peu connus. L’étude est basée sur l’analyse d’environ deux cents “chartes de corps de métier” (risāla), seul type de texte original issu du milieu artisanal lui-même dont nous disposions. Nous verrons que la cohésion d’un groupe professionnel est fondée, au moins idéalement, sur la revendication d’une appartenance à une lignée imaginaire de maîtres ancestraux pour chaque corps de métier.
La risāla est le seul type de texte original issu du milieu artisanal lui-même dont nous disposions. C’est un récit écrit en langue vernaculaire (turkī, ouzbek, persan-tadjik, ouïgour, pachto), entrecoupé de prières en arabe, qui retrace le fondement d’un groupe professionnel. Texte unificateur, il crée un esprit de fraternité entre les membres d’une même corporation. Les trois éléments-clés de la risāla sont la légitimation religieuse de l’activité professionnelle, le transfert du savoir spirituel et l’évocation d’une affiliation identitaire. La risāla fait une nette distinction entre les maîtres artisans qui exercent leur kasb sans posséder une copie personnelle de la risāla ou sans se conformer à ses directives et ceux qui l’exercent en étant affiliés aux pīr de la profession grâce à une risāla. Ignorer le pīr fondateur de sa profession et refuser de se conformer aux directives de la risāla rend l’exercice et le produit de l’activité professionnelle souillée, illégitime au sens religieux du terme, ḥarām.
Dans les langues centrasiatiques, deux termes désignent la descendance par lignée : 
šaǧara et silsila. La šaǧara renvoie à une filiation consanguine ; la silsila, à une filiation spirituelle. La risāla évoque l’appartenance à une silsila – celle d’une lignée spirituelle de maîtres artisans légendaires – et valorise les rapports de loyauté et de solidarité. Jeanine Elif Dağyeli 
Susani art - Uzbekistan

7/23/2013

The body of the Prophet-sacred/profane-prohibited/licit (ḥaram/ḥalâl)

The body of the Prophet
When giving a definition to the ‘Sacred’ by speaking about the mark of the divine as opposed to the ordinary world or profane, the ‘Sacred’ to Islam is rooted in the Revelation, a transcendent reality descended, according to the Kuran, on the Prophet’s heart. As receiver and transmitter of the Sacred and sacralized language, the Prophet becomes therefore the first to share the institution of the Sacred. The opposition sacred/profane is set in the institution of the Law with the opposition prohibited/licit (ḥaram/ḥalâl) that defines, along with intermediate categories, things, people and deeds. Thus all people and all things are taking part to one degree or another in the Sacred and their profane character is only the absence of the specific status of sacred. The Koran does not speak of the body of the Prophet, but only of His Heart, place where Revelation descends.
The body in Islam has a double relationship to the sacred: it is marked by the divine and reflects its presence. The body of the Prophet of Islam was marked at his birth by the signs of his divine election, and further by the visible effects on him of God’s revelation. By its extraordinary nature, the body of the Prophet testifies to his mission even if it is kept veiled. This body gifted with supernatural powers, depicted in great detail, symbolises the perfection of this human being. It is deeply venerated by the prophet’s Companions.  Although he continues to live, the state of the prophet’s dead body, like those of the martyrs, is for the Muslim community an anticipation of what will become of their bodies in the afterlife: transposed, illuminated. The body of the Prophet is the receptacle of God’s Word and of His presence: it is sacred by his complete union with the Spirit. Among the community of Muslims, the saints are the spiritual heirs of the Prophet, and their bodies reflect this heritage through their luminosity and extraordinary powers. In Islam as in any religious and spiritual tradition, it is necessary to go back to the founding model to understand the relationship between the body and the sacred. Denis Gril


Le corps du Prophète

Si l’on définit le sacré par ce qui porte la trace du divin par opposition au monde ordinaire ou profane, le sacré en islam prend avant tout sa source dans la Révélation, réalité transcendante descendue, selon le Coran, sur le cœur du Prophète. Récepteur et transmetteur de la parole sacrée et sacralisante, le Prophète est donc le premier à participer à l’institution du sacré. L’opposition sacré/profane se double dans l’institution de la Loi de l’opposition interdit/licite (ḥaram/ḥalâl) qui qualifie, avec ses catégories intermédiaires, les choses, les personnes et les actes.  Tous les êtres et les choses participent donc à un degré ou à un autre du sacré et leur caractère profane n’est que l’expression d’une absence de statut sacré spécifique. Le Coran ne parle pas du corps du Prophète, mais seulement de son cœur, lieu de descente de la Révélation.
La relation du corps au sacré est double : il en reçoit la marque et en reflète la présence. Le Prophète de l’islam est marqué dès sa naissance par les signes de son élection et plus encore par les effets sensibles de la Révélation. Si dans son intimité, il doit rester voilé, le corps du Prophète, par son caractère exceptionnel, témoigne de sa mission. Doué de facultés miraculeuses, son corps, décrit dans ses moindres détails, atteste sa perfection. Le statut du corps prophétique mort, mais toujours vivant, comme celui des martyrs, anticipe pour  l’ensemble des croyants le corps transposé, illuminé dans l’au-delà. Réceptacle de la Parole et donc de la Présence divine, le corps du Prophète est sacralisé par son union parfaite avec l’Esprit. Parmi les hommes, les saints, héritiers en esprit des prophètes, portent dans leur corps les effets bénéfiques et lumineux de cet héritage. En islam, comme dans toute tradition religieuse et spirituelle, l’étude des rapports entre le corps et le sacré nécessite donc un retour au modèle du fondateur. Denis Gril

7/20/2013

Money of pearls: presence of the dead and measure of time

Money of pearls: presence of the dead and measure of time
To start abolishing chaos, one has to take measure of the world and of time, one has to count, to measure, to punctuate, to give values to all appearances, to all events. In the ‘are’are’ cultural context the general measure is called taha ni 'aa, which means ‘the opening of the thing’. It is used to measure vertical rectilinear lengths like the height of a tree, or horizontal like the side line of the house or the garden. But this ‘opening of the thing’ measures as well the length of a pearl necklace carved in the shell that one uses t as money.
Whereas the extent of the forest, of the sky and of the sea cannot be measured, while the day and the night cannot be divided in time measure, yet all events of a man or a woman, of a genealogical lineage, of a hamlet, of a territory can be measured and compared using the pearls money. This money allows people to get horticulture and animals products, to face up compensations for marriage or murder, to relaunch war or peace, to support in a general way all human actions through the powers of magic and/or of the dead.
In order to make possible some events, one has to ‘do the opening of the thing’; this way four measures of money are used for the first marital money that allows the fiancé to get his sweetheart next to him. Similarly, the performance of very dangerous rituals as those before a murder requires the future murderer to offer four measures of money to the man who will guide him to the grave of a prestigious ancestor able to assist the murder and to protect against revenge. For the funerals, the moneys are lent to the gravediggers or the ones who celebrate. In fact after they shared the money with their kindred, the gravediggers will have to reconvene the money during the funeral ceremony organized as the counterpart some 3 years later. Therefore the money of each dead breaks into a new monetary value for the new dead.
No doubt we now understand the extraordinary fascination of money since it allows people to take the measure of time and of events throughout men life until their complete disappearing beyond and onto the land of the dead. Daniel de Coppet


La monnaie de perles : présence des morts et mesure du temps

Pour commencer d'abolir le chaos, il faut prendre mesure du monde et du temps, il faut compter, mesurer, rythmer, et donner valeurs à toutes les apparences, à tous les événements. Dans le contexte culturel 'are'are’, la mesure importante porte le nom de taha ni 'aa, c'est-à-dire « l'ouverture de la chose ». Elle sert à mesurer des longueurs rectilignes verticales comme la hauteur d'un arbre, ou horizontales comme les côtés d'une maison ou d'un jardin. Mais ‘l’ouverture de la chose’ mesure également la longueur d'un collier de perles taillées dans le coquillage et qui sert de monnaie.
Tandis que l'étendue de la forêt, celle du ciel et de la mer ne se laissent pas mesurer, tandis que la durée du jour et de la nuit ne se laissent pas diviser, au contraire tous les événements de la vie d'un homme, d'une femme, d'une ligne généalogique, d'un hameau, d'un territoire se mesurent et se comparent par le truchement de la monnaie de perles. Elle permet de se procurer les produits de l'horticulture et de l'élevage, de faire face aux compensations pour mariage ou pour meurtre, de relancer la guerre ou la paix, de soutenir de façon générale toutes les entreprises humaines grâce aux pouvoirs de la magie et /ou des morts.
Afin de rendre possibles certains évènements on doit ‘faire l’ouverture de la chose’ ; ainsi quatre mesures de monnaie servent à la première prestation matrimoniale qui permet au fiancé de faire conduire auprès de lui sa belle. De même l'accomplissement de rituels particulièrement dangereux comme ceux qui précèdent un meurtre, oblige le futur meurtrier à offrir un ensemble de quatre mesures à celui qui voudra bien le conduire auprès de la tombe d'un ancêtre prestigieux, capable à la fois de favoriser le meurtre et de parer à la vengeance. Pour les funérailles, les monnaies sont prêtées aux fossoyeurs ou aux officiants pour une durée variable. En effet le groupe des fossoyeurs, après avoir partagé ces monnaies entre tous les siens, devra, quelques trois années plus tard, les réunir à nouveau au cours de la fête funéraire « de retour ». Ainsi la valeur monétaire de chaque mort se fractionne pour composer la valeur monétaire des nouveaux morts.
On comprend mieux sans doute l'extraordinaire fascination qu'exerce la monnaie, puisqu'elle permet de prendre la mesure du temps et celle des événements qui jalonnent la vie des hommes jusqu'à leur complète disparition par-delà le pays des morts. Daniel de Coppet In: L'Homme, 1970, tome 10 n°1. pp. 17-39. 

7/19/2013

Gerry Judah

Gerry Judah / Gerry Judah was born in Calcutta and grew up in West Bengal before his family moved to London when he was ten years old. As a boy, the dramatic landscapes of India and the ornate architecture of its temples, mosques and synagogues with their theatrical rituals had a profound effect on Judah's developing psyche. These theatrical elements were to resurface in his own later work.


He studied sculpture as a postgraduate at the Slade School of Fine Art, University College London. Later, Judah was taken with the public nature of this work and decided to find settings for his own art in more public arenas than the rarefied spaces of conventional galleries. He began to build a reputation for innovative design, working in film, television, theatre, museums and public spaces. He created spectacular settings for institutions such as BBC, British Museum, Natural History Museum, Imperial War Museum, Paul McCartney, Michael Jackson, Led Zeppelin, Robert Plant and Jimmy Page, The Who, David Bailey, Terence Donovan, Sting, Godley and Creme and Ridley Scott Associates. He has also created spectacular sculptures for Ferrari, Porsche, Audi, Jaguar, Mercedes Benz, Renault, Ford, Rolls-Royce, Honda, Toyota, Land Rover and Alfa Romeo at the annual Goodwood Festival of Speed and has designed bridges in London and Cambridge. Amongst a number of commissions from public museums and institutions, Judah was asked by the Imperial War Museum in London to create a large model of the selection ramp in Auschwitz Birkenau for the Holocaust Exhibition. Returning to his fine art beginnings he began to make art born of his reflections on historical events. He created a body of large three-dimensional paintings exploring the devastations of war and the ravages man has made upon the environment caused by recent conflicts in Eastern Europe and the Middle East with solo exhibitions: 'ANGELS' at the Royal Institute of British Architects, London in 2006 and the British High Commission, India in 2007, 'MOTHERLANDS' at the Louise T Blouin Foundation.
Gerry Judah / Gerry Judah est né à Calcuttta et a grandi au Bengal occidental avant que sa famille n’aille vivre à Londres quand il avait 10 ans. Tout jeune, les paysages dramatiques de l’Inde et l’architecture ornementale de ses temples, les mosquées et les synagogues avec les rituels spectaculaires ont marqué son éducation d’enfant. Ces éléments scéniques se retrouveront dans son travail futur.

Il a étudié la sculpture en fin de cycle universitaire à School of Fine Art, University College London. Plus tard, Judah était amené à produire son travail devant un large public autre que dans les espaces confinés des galeries d’art. Il se fait une réputation en tant que designer novateur en travaillant pour des films, le théâtre, le cinéma, la télévision, les musées et des espaces publics. Il élabore des mises en scène spectaculaires pour BBC, British Museum, Natural History Museum, Imperial War Museum, Paul McCartney, Michael Jackson, Led Zeppelin, Robert Plant and Jimmy Page, The Who, David Bailey, Terence Donovan, Sting, Godley and Creme and Ridley Scott Associates. Il a aussi composé des sculptures spectaculaires pour Ferrari, Porsche, Audi, Jaguar, Mercedes Benz, Renault, Ford, Rolls-Royce, Honda, Toyota, Land Rover et Alfa Romeo à l’occasion du Festival de la Vitesse de Goodwood. On demande aussi à Judah de créer un tremplin pour l’Exposition  Hollocaust à Auschwitz Birkenau. En retrouvant l’art qu’il produisait au début de sa carrière, Judah commence à travailler sur ses réflexions à propos d’évènements historiques. Il conçoit une collection de peintures en trois dimensions qui vont explorer les ravages de la guerre et ceux que l’homme inflige à son environnement. Sa vision des récents conflits en Europe Orientale et au Moyen-Orient va se retrouver dans plusieurs expositions : 'ANGELS' au Royal Institute of British Architects, Londres et à la British High Commission, India, 'MOTHERLANDS' à la Louise T Blouin Foundation.

The power of illusion and the illusion of power. Adam Curtis

CONSUMER OR BEING  CONSUMed -Adam Curtis

One of the guiding beliefs of our consuming age is that we are all free and independent individuals. That we can choose to do pretty much what we want, and if we can't then it's bad. But at the same time, co-existing alongside this, there is a completely different, parallel universe where we all seem meekly to do what those in power tell us to do.
Ever since the economic crisis in 2008, millions of people have accepted cuts in all sorts of things - from real wages and living standards to benefits and hospital care - without any real opposition. The cuts may be right, or they may be stupid - but the astonishing thing is how no-one really challenges them. I think that one of the reasons for this is because a lot of the power that shapes our lives today has become invisible - and so it is difficult to see how it really works and even more difficult to challenge it.
So much of the language that surrounds us - from things like economics, management theory and the algorithms built into computer systems - appears to be objective and neutral. But in fact it is loaded with powerful, and very debatable, political assumptions about how society should work, and what human beings are really like.
But it is very difficult to show this to people. Journalists, whose job is to pull back and tell dramatic stories that bring power into focus, find it impossible because things like economic theory are both incomprehensible and above all boring. The same is true of "management science". Mild-mannered men and women meet in glass-walled offices and decide the destinies of millions of people on the basis of "targets" and "measured outcomes".

The power of illusion and the illusion of power.

CONSOMMATEUR OU ETRE CONSOMMé - Adam Curtis
Une des croyances directrices de notre société de consommation repose sur la supposition de liberté et d’indépendance pour tous les individus. Que l’on choisit ce que l’on veut faire et dans le cas contraire c’est une mauvaise issue. Cependant en même temps, parallèlement un autre univers coexiste au sein duquel nous agissons docilement en suivant ce que les gens au pouvoir nous disent de faire. Jamais depuis la crise économique de 2008, des millions de gens n’ont accepté autant de compressions budgétaires – en termes réels des salaires, du niveau de vie, des bénéfices jusqu’aux soins hospitaliers – et le plus étonnant c’est que réellement personne ne relève le défi pour changer cet état des choses. Une des raisons est que le pouvoir qui modèle nos vies est devenu invisible – d’où la difficulté pour cerner son fonctionnement et pire encore d’agir pour changer.
Presque tous les moyens de communication qui nous entourent – le langage de l’économie, des théories de management et les algorithmes sortant des ordinateurs – paraissent objectifs et neutres. Bien au contraire tout ce langage transmet des suppositions politiques puissantes et très discutables qui vont nous imposer nos comportements dans la société et l’essence même de l’être humain.
Mais tout ceci est difficile à expliquer au public. Les journalistes, dont le travail consiste à prendre de la distance et parler d’histoires dramatiques pour favoriser le pouvoir en place, trouve la tâche plus qu’ardue car les théories de l’économie, tout comme celles du management, sont très difficiles à suivre et très ennuyeuses. Des hommes et femmes lambda se rencontrent dans des bureaux aux mûrs en verre teinté et décident le future de millions de gens basé sur des ‘cibles’  et des ‘résultats mesurés’.

7/18/2013

Market and gift economies, flow of wealth, social status, birth, wedding and funeral money, ’Grandeur of the Name’.

Money or gift : Reflections on the Economic Myth of Currency
The economic theory of currency is an indigenous intellectual construction which merits examination as such. It is the expression of a « rational myth » which is all the more interesting to analyse in that its most developed version incorporates market and gift economies in a single model. These are conceived as two alternative means of obtaining the same result, namely an optimal allocation of goods and wealth among individuals.
A critical study of this myth and its explanatory claims leads to diverse reflections on the recourse to economic theory generally for an understanding of modern and other societies.
The classical economic theory work out several options of the same founding myth, when individuals find their interests in the fabric of a society based on exchange of equivalents.
In default of memory, individuals have money, an existing object in limited quantity that does not occur in the production nor in the consumption.

These being followed up very often by deeds converted into monetary units – let’s think of the various information delivered by companies listed on the stock exchange, or of the public announcement of the moneys during the àré-àré funerals – that are not separable from their flow. The description of kula shows the result – that is “the Grandeur of the Name” (the social status of the participants in progress during the transaction) is the known and desired issue of the exchanges objects flow. « Exchanges determine the rank of the transactors, not the rank of the valuables » Jean Cartelier

Monnaie ou don : réflexions sur le mythe économique de la monnaie

La théorie économique de la monnaie est une construction intellectuelle indigène, qui, à ce titre, mérite considération. Elle est l’expression d’un « mythe rationnel » d’autant plus intéressant à analyser que dans sa version la plus achevée il englobe en une construction unique les économies de marché et les économies de don, conçues comme deux moyens alternatifs d’obtenir le même résultat, à savoir une allocation optimale des biens ou richesses entre les individus.
L’étude critique de ce mythe et de sa prétention explicative conduit à des réflexions diverses sur le recours à la théorie économique en général pour la compréhension des sociétés modernes et autres.
La théorie économique courante propose plusieurs variantes du même mythe fondateur, celui d’individus naturels trouvant leur intérêt dans la constitution d’une société fondée sur l’échange d’équivalents. A défaut de mémoire, les individus sont dotés d’une monnaie, c’est‑à‑dire d’un objet existant en quantité limitée et n’intervenant ni dans la production ni dans la consommation.
S’ensuivent assez souvent des actions converties  en unités monétaires – que l’on songe aux diverses informations fournies par les comptabilités des sociétés cotées en bourse ou à la proclamation du nombre des monnaies à l’occasion des funérailles àré’ aré – et qui ne sont pas séparables de leur circulation.  La description du kula montre comment le résultat, à savoir la « grandeur du nom » (le rang social en devenir des participants à la transaction) est l’enjeu connu et désiré de la circulation des objets échangés. Jean Cartelier


7/17/2013

Shaman and psychotherapist - The problem is essentially that of the definition of the symbolic order (symbolique). Indeed, this notion is (always) paradigmatic in their respective disciplines, without really being equivalent. Beyond their differences, do not psychoanalysis and anthropology share the symbolic paradigm against a naturalist or cognitive-behavioural reductionism that claims nowadays to monopolize the space of epistemic legitimacy? The article aims to clarify these disciplinary relations, on the epistemic level well as on the historical level, in particular using data from psychoanalytical psychiatry, which are partly comparable to problems relating to ethnographic fieldwork.
The action of the shaman will consist to intervene to overcome the conflict in order to make an unbearable situation “thinkable and acceptable” for the patient. As for M. Mauss and Levi-Strauss, the shaman is a sort of ‘mediator’ between the real situation of a body that suffers and the person with illness psychological unease. The shaman, through his mythological speech will give a narrative form of the real disease. Whether the shaman mythology does not match the objective reality is not so important: what matters is that the person with illness and all the community believe in it.
In the field of psychology as for Lacan, they will further outline their position on that point of ‘determinism of the symbolic’ by introducing the ‘psychology of imaginary’, irreducible expression of human diversity. One can’t report on symbolic effectiveness without the intervention of the patient’s imaginary.

Focusing the importance of magic death and body technics, Marcel Mauss wanted to establish a relation between the human social form that become directly related to his biological form; major facts that allow us to work on the problem of the relation between sociology and psychology.  Florent Gabarron-Garcia

Du chaman et du psychanalyste / Le problème porte essentiellement autour de la définition de la notion du symbolique puisque cette notion est (toujours) paradigmatique dans les deux disciplines, que sont l’anthropologie et la psychanalyse, sans pour autant être véritablement équivalente. Il s’agit d’éclairer ces rapports disciplinaires, tant au niveau épistémologique qu’au niveau historique, notamment à partir des données de la clinique psychanalytique, comparables, dans une certaine mesure, aux problèmes relatifs au terrain ethnographique. Car au delà de leurs différences, la psychanalyse et l’anthropologie, n’ont‑elles pas en partage le paradigme symbolique contre le réductionnisme naturaliste ou cognitivo‑comportemental qui prétend aujourd’hui monopoliser l’espace de la légitimité du travail de terrain en ethnographie?

L’intervention du chaman va consister à agir de telle sorte à résoudre le conflit pour rendre ‘pensable et acceptable’ une situation insupportable pour le patient. Pour Lévi‑Strauss, le chaman est une sorte de médiateur entre le réel d’un corps qui souffre et le désarroi psychique du malade. Il s’agit pour le chaman, grâce à son discours mythologique, de donner une forme narrative à la maladie réelle. Que la mythologie du chaman ne corresponde pas à une réalité objective ne compte pas, rajoute Lévi‑Strauss : ce qui compte, c’est que le malade et la communauté y croient.
Très tôt, Lacan va préciser sa position sur cette question du déterminisme symbolique : tout d’abord, en introduisant la catégorie de l’imaginaire, espace irréductible du sujet humain. Pour rendre compte de l’efficacité symbolique on ne saurait se passer de l’imaginaire du sujet. Marcel Mauss, en soulignant l'importance de la mort magique ou des techniques du corps, il pensait aussi établir une relation entre la nature sociale qui rejoint très directement la nature biologique de l'homme » ;  des faits privilégiés qui permettent d'attaquer le problème des rapports entre sociologie et psychologie. Florent Gabarron-Garcia 

7/11/2013

From imaginary and mythological to symbolic.

From mind  to social life, from imaginary and mythological to symbolic.
Maurice Godelier reminds us of what distinguishes anthropology and psychoanalysis with respect to their object and approach. Anthropology in fact analyses the social and existential otherness of others as well as the nature of social relations, while psychoanalysis focuses on the psychic functioning of individuals, and in particular the effects of repression on sexuality, the body, and desire. The proximity of some of their material, such as myths and dreams, should not lead us to forget the fundamental differences that exist between them, nor evade the specific work of constant decentring and critical vigilance that constitutes the foundation of the anthropologist’s approach.
Psychoanalysis can’t explain for example the generalization of feudalism as a social pattern and a system of power that format individuals and community. Psychoanalysis can’t retrieve from human psychology Hinduism, Buddhism, Christianity, monotheism etc that have a history from which some religions need others to rise out. Then the idea that only one God created all from nothing becomes something else that has nothing to do with the strong bond between a god and his tribe, therefore in various antique communities all political, religious, military actions, the conquests being achieved with gods and banners.
Anthropology can explain the logic of social relations and for this purpose needs history that allows sometimes the updating of the background of these social relations. There is no present time without the past that constantly interferes, that never dies, a past that is not gone and is reconstructed in the present time.

The issue then is to identify how to move on from spirit to social life, from imaginary to symbolic: social life is ritualized in order to let imaginary become social real life. There are thought systems that need to be staged so that people can perceive them as existential truths.
 Maurice Godelier et Marie Rebeyrolle

Passer de l’esprit au social, de l’imaginaire au symbolique.

Maurice Godelier rappelle ce qui distingue l’anthropologie et la psychanalyse dans leur objet et leur approche. L’anthropologie analyse en effet l’altérité sociale et existentielle d’autrui ainsi que la nature des rapports sociaux. Tandis que la psychanalyse se centre sur le fonctionnement psychique des individus et en particulier les effets de la répression s’exerçant sur la sexualité, le corps et le désir. La proximité de certains de leurs matériaux, comme ceux des mythes et des rêves, ne doit donc pas faire oublier leurs différences fondamentales, ni escamoter les spécificités du travail de décentrement constant et de vigilance critique constituant l’acte fondateur d’une démarche d’anthropologue.

La psychanalyse ne pourra expliquer par exemple la généralisation du féodalisme comme mode de vie social et régime de pouvoir qui formatent les individus et la société. La psychana­lyse ne peut pas non plus faire sortir du psychisme humain l’hindouisme, le bouddhisme, le christianisme, le monothéisme, etc., qui ont une histoire dans laquelle certaines religions supposent d’autres religions pour naître. Ensuite l’idée qu’il n’y a qu’un seul dieu dans le ciel qui a tout fait à partir de rien est autre chose, et n’a rien à voir avec l’alliance privilégiée entre un dieu et une tribu, fait qui se retrouve dans de nombreuses sociétés antiques, tous les actes politiques, religieux, militaires, les conquêtes se faisant avec des dieux et des bannières. 
L’anthropologie peut expliquer la logique des rapports sociaux, et pour cela elle a besoin de l’histoire grâce à laquelle on peut parfois mettre à jour la genèse de ces rapports sociaux. Il n’y a pas de présent sans un passé qui interfère toujours, qui n’est pas mort, un passé qui n’est pas passé et se reconstruit dans le présent. Maurice Godelier et Marie Rebeyrolle