1/13/2014

G. Orwell ve siyaset - züppelik ve devrim - teorisi ve retorik - ütopya ve mücadele


Orwell and politics - George Orwell has many labels : “The Truthteller,” “The Rebel,” “The Common Man,” “The Prophet,” “The Virtuous Man,” “The Saint.” To those, critics have added a host of others, many of them seemingly in conflict with one another : the Socialist, the Liberal, the Conservative, the Tory Anarchist. My essay amounts to a plea to add one more epithet to these, which may even help us reconcile some of the ­others : “The Modernist.” I’ll be arguing that we need to start reading Orwell alongside writers like Joseph Conrad, James Joyce, T.S. Eliot, T.E. Hulme, and Ezra Pound, canonical figures in Anglo-American literary modernism. What turned Orwell away from the anti-conformist attitudes of the Right of the likes of Swift or Waugh – a political fate that was highly likely given his social origins, his education and what he was like at the age of eighteen ? (Here we should recall the portrait he paints with hindsight of himself at that age : “Hence, at the age of seventeen or eighteen, I was both a snob and a revolutionary. I loosely described myself as a Socialist but I had no notion that the working class were human beings. Looking back upon that period, I seem to have spent half the time in denouncing the capitalist system and the other half in raging over the insolence of bus-conductors.”) I believe at least three factors pushed him off this track : (1) a host of egalitarian moral and social feelings, deeply rooted in his own experience ; (2) a political, rather than intellectual or theoretical, relationship to politics – his main preoccupation was not the ideas but the desire for action and action itself ; (3) a rational analysis of the state of the world in 1936. We can see how the anticolonialist of these two intellectuals, Orwell and Russell, developed differently, taking into account the historical context in which each figure evolved. Russell indeed lived through the Boer War (1899-1902) before taking up his combat some sixty years later, committing himself against American imperialism in Vietnam, during his so-called Guevarist period. As for Orwell’s anti-colonialism, it was nourished by his experience in Burma (1922-1927) together with that of the 1920s and 1930s, before he finally saw the partition of India in 1947, a few years before he passed away. It must not be forgotten that in spite of all the affinities to be noted, the question of the Empire is absolutely central in Orwell’s work, whereas in Russell’s, it was somehow subsumed into a more general type of reflection on such varied questions as technology and industrialism, free trade, the rights of Man, the nature of power, democracy and Internationalism.

Reference to “the people” runs through the work of George Orwell, both in his fiction and in his essays and journalism. An idea of “the people” lies behind frequent and often quoted references to more concrete collectives such as the working and middle classes ; to representative figures such as the worker, the common man or the “£5-a-week man” ; and to notions such as common decency and common sense. Yet, far from being systematic or coherent, Orwell’s political populism was a site of great agon and struggle. Such struggle entailed the cultivation of a sustained gaze not at the abstract, messianic, or utopian “people”, but rather at men and women as they were, their odors, their anxieties, their ugliness and their hopes. This struggle represented nothing short of Orwell’s tireless attempt to confront the apparent impossibility of true political consciousness.

Orwell et la politique - quantité d’étiquettes lui ont été appliquées : « La Voix de la Vérité », « le Rebelle », « l’Homme ordinaire », « le Prophète », « l’Homme vertueux », ou encore « le Saint ». Les critiques en ont ajouté une myriade d’autres, souvent contradictoires en apparence : le Socialiste, le Libéral, le Conservateur, l’Anarchiste Tory. Dans cet article, je me propose d’ajouter à cette liste une épithète qui pourrait même réconcilier certaines de ces appellations contradictoires : le Moderniste. Selon moi, Orwell a sa place aux côtés d’auteurs comme Joseph Conrad, James Joyce, T.S. Eliot, T.E. Hulme et Ezra Pound, qui sont autant de figures canoniques du modernisme littéraire anglo-américain. Qu’est-ce qui a détourné Orwell de l’anticonformisme de droite d’un Swift ou d’un Waugh, un destin politique qui était particulièrement probable étant donné ses origines sociales, son éducation, et ce qu’il était à dix-huit ans ? (On se souvient du portrait qu’il a rétrospectivement tracé de lui-même : « À dix-sept, dix-huit ans, j’étais à la fois un petit snob poseur et un révolutionnaire. Je n’hésitais pas à me parer de la qualité de “socialiste”, mais il m’était toujours impossible de me représenter les ouvriers comme des êtres humains. J’ai l’impression d’avoir passé une moitié de mon temps à vilipender le système capitaliste, et l’autre moitié à pester contre les receveurs d’autobus. ») À mon avis, trois choses au moins l’ont détourné de cette trajectoire : (1) un ensemble de sentiments moraux et sociaux égalitaires, profondément enracinés dans sa propre expérience ; (2) un rapport politique, et non intellectuel ou théorique, au politique : son souci premier n’était pas les idées mais la volonté et l’action ; (3) une analyse rationnelle de l’état du monde en 1936. On voit comment la pensée anticolonialiste de deux intellectuels, Orwell et Russell a divergé si on prend  en compte le contexte historique dans lequel chacun d’eux a évolué : en effet, si Russell a été témoin de la guerre des Boers (1899-1902) avant de pourfendre, une soixantaine d’années plus tard et notamment pendant sa période dite « guévariste », l’impérialisme américain au Vietnam, l’anticolonialisme d’Orwell s’est surtout nourri de son expérience en Birmanie (1922-1927) et de celle des années 1920 et 1930, avant qu’il puisse assister, au soir de sa vie, à la partition de l’Inde (1947). On n’oubliera pas que, malgré toutes les affinités qui seront relevées, la question de l’Empire est proprement centrale chez Orwell, tandis qu’elle se trouve, chez Russell, en quelque sorte subsumée dans une réflexion plus générale sur des questions aussi diverses que la technologie et l’industrialisme, le libre-échange, les droits de l’homme, la nature du pouvoir, la démocratie et l’internationalisme.
La référence au « peuple » est omniprésente dans l’œuvre d’Orwell, aussi bien dans ses romans que dans ses essais et articles. Une certaine idée du « peuple » est sous-jacente à ses nombreuses remarques sur des entités collectives plus concrètes comme la classe ouvrière ou la classe moyenne, ou sur des figures représentatives comme le travailleur, l’homme de la rue ou « celui qui gagne cinq livres par semaine », ou encore sur des notions comme celles de décence commune et de sens commun. Pourtant, loin d’être systématique ou même cohérent, le populisme politique d’Orwell est avant tout un espace conflictuel, un espace de lutte. Cette lutte résulte de son refus d’invoquer un « peuple » abstrait, messianique et utopique, et de son attention constante aux hommes et aux femmes tels qu’ils sont, à leurs odeurs, leurs angoisses, leur laideur et leurs espoirs. Cette lutte représente bel et bien la tentative opiniâtre d’Orwell pour affronter l’impossibilité apparente d’une conscience politique véritable.

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