1/21/2014

Antropoloji ve Sanat Tarihi - Toplumun bilgisi - Yasaların bilgisi - Sanatsal dilin gelişimi

The “spirit of geometry,” as Pascal would have it, insists that disciplinary classification amounts to the erecting of barriers beyond which one risks losing one’s soul. And readers who have no particular desire to wander like lost souls may well see little more in this collection of texts than the sum of their differences. Indeed, whereas anthropology has consistently argued for the existence of a double continuity, both within the sphere of artistic activity—allowing for geographical variation—and between this sphere and the rest of human social activity (i.e., “culture” in its wider sense), art history has since the eighteenth century endeavored to grasp the specificity of artistic creation against the changing backdrop of time, as well as vis-à-vis the internal rules of development of an increasingly autonomous (in terms of tradition, innovation, and “best practice”) “art world.” These disciplinary practices are like habits that we adopt despite ourselves: the habit of gathering scattered data into an “ontology” (Philippe Descola), of comparative methodology, of examining the ways in which human specificity is rooted in “nature”—understood as the totality of living existence. For anthropologists, this means measuring “changes in the pace of temporality” (Jean-Claude Schmitt), apprehending the “malleable or plastic body” (Recht), and understanding both the variability of taste and the “metamorphosis” of artworks. For art historians, one might say once they have accounted for the turbulence provoked by the encounter of different practices and lines of reasoning, these habits constitute a return to a new state of equilibrium.                                                      The beating heart of art history interrogates and challenges anthropology. Systole: why do ancient works of art still touch us? How is it that works of art produced in—and deriving their meaning from—particular cultural contexts still resonate in other contexts? Is it not the case that one can only begin to grapple with the “symbolic form” at the heart of another culture’s worldview when one fully understands the equivalent form in one’s own culture? As early as 1927, Panofsky claimed that, “it is essential to ask of artistic periods and regions not only whether they have perspective, but also which perspective they have. Diastole: how can what was a specific “mental fact”—a work of art born of a given culture—be brought back to life in another land, even if we grant the idea of a sensory-motor humus common to all humanity? How can it be transplanted onto a necessarily “hybrid” (Ruth Philips) network of translations that tie together knowledge of society and knowledge of the laws of development of artistic language? Might this network of translations not constitute a new sort of museum that, just as Sally Price argues it should, ventures even further down the path exploredby a new generation of ethnographic museums, which includes the Musée du Quai Branly?

Art historians and anthropologists no longer want a “mask stripped bare by its curators.” Just as a mask cannot be understood without a(s complete as possible a) reengagement with the entirety of its links and connections to the society that created it (its dances, its rites and myths, its “environment”—which it is the museum’s task to “translate”), so a painting cannot be reduced to “a set of colors assembled in a certain order”—the definition is Maurice Denis’—and is only comprehensible when placed in the context of the militant demands for autonomy that emanate from some currents in modern art. At the Armory Show in 1913, Theodore Roosevelt mocked Duchamp’s Nude Descending a Staircaseby comparing it to a Navajo blanket, convinced that in so doing he was “de-arting” them both. But despite what Roosevelt may have thought, a nude is never just a nude, but rather this or that nude in this or that particular society, and in any case it was not even a mimetic representation of a nude, just as a Navajo blanket or a mask are not just commodities. The following texts are argument enough: art historians and anthropologists have well and truly cast aside the myth of original nudity.
L’«esprit de géométrie», pour parler comme Pascal, voudrait que tout classement des disciplines revienne à ériger des barrières au-delà desquelles on s’expose à perdre son âme. Un lecteur qui n’aura pas vocation à être une telle âme errante pourra ne voir dans ces écrits rassemblés que leurs différences. En effet, si l’anthropologie insiste sur une double continuité, celle de l’activité artistique – bien entendu variable selon les aires géographiques – et celle de cette activité par rapport au reste du comportement humain en société (ce qu’on appelle la «culture» au sens large), l’histoire de l’art s’est attachée depuis le xviiie siècle à mieux comprendre ce qu’avait de spécifique la création d’œuvres d’art en réponse à des contextes changeants dans le temps mais aussi à des règles de développement internes à un «monde de l’art» de plus en plus autonome (rapport à la tradition, innovation, «règles de l’art»). De ces tendances disciplinaires, qui sont comme des plis que l’on prend sans le vouloir, à rassembler l’épars dans une «ontologie» (Philippe Descola), à pratiquer le comparatisme, à chercher ce qui ancre la spécificité humaine dans la nature prise comme l’ensemble des manifestations du vivant – pour l’anthropologue, à mesurer les «changements de temporalité» (Jean-Claude Schmitt), à appréhender le «corps plastique» (Recht) et à comprendre les variations du goût et la «métamorphose» des œuvres – pour l’historien, on peut dire qu’elles sont comme un retour à un nouvel état d’équilibre, une fois enregistrées les oscillations du contact des raisonnements et des pratiques.                                                                                                                   Le cœur battant de l’histoire de l’art questionne le fait anthropologique. Systole: pourquoi les œuvres d’art anciennes nous touchent-elles toujours? Pourquoi les œuvres des autres peuples, qui prennent tout leur sens dans un contexte donné, sont-elles exportables vers d’autres sensibilités? N’est-ce que lorsqu'on comprend bien ce qu’est une «forme symbolique» dans sa propre culture, qu’on peut tenter d’en apprivoiser une autre qui est au cœur de la «vision du monde» d’une autre culture? Panofsky affirmait dès 1927 qu’«une question va prendre, pour les diverses régions de l’art et ses différentes époques, une signification essentielle, la question de savoir, non seulement si les unes et les autres ont une perspective, mais encore quelle perspective elles ont». Diastole: comment ce qui fut un «fait de mentalité» spécifique – une œuvre née dans une culture donnée – peut-il être revivifié dans un autre terreau, fût-ce à partir d’un humus sensori-moteur commun à l’humanité? Comment peut-il être greffé sur un réseau nécessairement «hybride» (Ruth Phillips) de traductions articulant savoir sur la société et savoir sur les lois de développement du langage artistique? Ce réseau de traductions ne constituerait-il pas un musée d’un nouveau genre qui poursuivrait plus loin encore, comme l’appelle de ses vœux Sally Price, l’expérience récente d’une nouvelle génération de musées ethnographiques à laquelle appartient le musée du quai Branly ?
Historiens de l’art et anthropologues ne veulent plus du «masque déshabillé par ses conservateurs mêmes». Pas davantage qu’un masque ne peut se comprendre en dehors d’un réinvestissement – le plus complet possible – de l’ensemble de son articulation à la vie de la société qui l’a créé (ses danses, ses rites et ses mythes, son «environnement» – qu’il revient au musée de «traduire»), un tableau ne se réduit à «un ensemble de couleurs en un certain ordre assemblé» – définition donnée par Maurice Denis et compréhensible seulement dans un contexte de revendication militante de l’autonomie par un certain courant de l’art moderne. Théodore Roosevelt ne s’était-il pas moqué à l’Armory Show en 1913 du Nu descendant l’escalier de Duchamp en le comparant à une couverture navajo, convaincu de les confondre tous deux dans le même de-arting? Mais contrairement à ce que pensait l’ancien président des États-Unis, un nu n’est jamais seulement un nu, mais cenu dans cettesociété donnée, et d’ailleurs, ce n’était alors même pas la représentation mimétique d’un nu, de même qu’une couverture navajo ou un masque ne sont pas de simples commodities. Les textes que l’on va lire nous en convainquent: historiens de l’art et anthropologues ont bel et bien abandonné le mythe de la nudité originelle.
Thierry Dufrêne et Anne-Christine Taylor, « En guise d’introduction », in Thierry Dufrêne et Anne-Christine Taylor (dir.), Cannibalismes disciplinaires, Paris, coédition INHA et musée du quai Branly (« Actes de colloques »), 2009.

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