Historical Myth : secrets of identity and systems of
representing a People
Over many centuries
mythical figures continue to be reinterpreted, renew themselves and through
this movement, models and values strengthen and evolve. Acknowledged
recognition of the myth as a historiographical production is not an obstacle to
historical research for it has been established somewhere in a specific
historical time. Indeed, in all civilizations, the self awareness of a People,
of community of believers or of a prestigious lineage calls for knowledge of
stories involving founder events and figures. The history of the Islamic East
is marked by great personages who are considered as models and Founding
Fathers. Some of them are of Islamic origin, others have been inherited from
Antiquity or the Bible. These characters have undergone a certain number of
changes from the 10th century onward, basically because of the influence of the
Shäh-nâma at a time when independent dynasties were proliferating and later
with the breakthrough of the Turks, the Crusaders and the Mongols. The figures
of Saladin and Chinggis Khan illustrate the renewal of ancient models, their
extension and their successive reinterpretations. Mythical creativity seems to
have been a cultural activity closely linked to political aims. The life of a
conqueror such as Tamerlane has been set as a model by imitators who thus
wished to justify their territorial claims. The biblical references attested to
in the Quran allowed for the integration of the Turks and later of the Mongols
into the history of the Creation as descendants from one of Noah's three sons.
Ancient biblical events have also attributed a certain importance to the
Muslims of the Volga area from the 18th century onward as well as to the
various Christian and Muslim communities of the Caucasus. In fact, biblical
references to this region abound such as the beaching of Noah's ark on Mount
Ararat or the imprisonment of Gog and Magog behind the iron gates. According to
Rashïd al-Din, all Mongols descend from tow men refugeesin Ergene Qûn and the
one man helping them to get out of the mountain was Börte-Chino (tamâmat-i
aqwâm-i mughül az nasl-i an du shakhs ki dar Arkina Qûn rafta budand va az in
jumla ki az ânjâ bîtûn âmadand amiri mu'tabar bud muqaddam u sarward-i aqwäm,
Bûrta Tchina nâm (ibid., p. 127)), the mythical ancestor of the Mongols. The model
of this story is based has a turkish origin.
A
major change has taken place in the Arab world as regards the two « Saladins »
: on one hand the ideal prince establishing a unified power, the champion of a
just jihäd whose image was forged in the 7th/13th century, and the other the
hero of great contemporary Arab causes. This evolution goes back to the last
years of the previous century and he first decades of the 20th century, a
period which coincides with the appearance of Saladin in modern Arabic
literature by way of the new genres (theatre and romantic fiction). This
particular phase of the history of the Saladin myth is explained in the
article, focusing on a work which has played an important role in this mutation
: the play writen in 1914 by par Farah Antūn, al-Sultän Saläh al-din
wa-mamlakat Urûshalïm [Sultan Saladin and the kingdom of Jerusalem]. The text,
the production and the reception of the play are analyzed to show how the
mythical figure is born within a founding narrative, and how the image of the
virtuous, liberating and unifying chief is constructed of the Muslim prince
idealized by the ancient sources. Farah Antūn has created a mythical figure of
a politico-heroic type responding to the expectations of the Arab world's
collective psyche.
Le mythe historique : secret de l'identité et des systèmes de
représentations d'un peuple
Au cours des
siècles, les figures mythiques se perpétuent, se réinterprètent, se
renouvellent et, à travers ce mouvement, les modèles et les valeurs se
raffermissent ou évoluent. La place reconnue au mythe dans la production
historiographique n'est pas un obstacle à l'investigation historique car
celui-ci s'est bien constitué quelque part en une période historique précise. En
effet, dans toutes les civilisations, la conscience de soi d'un peuple, d'une
communauté de croyants ou d'un lignage prestigieux se nourrit d'histoires
mettant en scène événements et figures fondatrices. L'histoire de l'Orient
musulman est jalonnée de grands personnages qui servent de modèles de référence
et d'ancêtres fondateurs, certains hérités de l'islam, d'autres de l'Antiquité
et de la Bible. Leur figure s'est transformée en Orient musulman à partir du Xe
siècle, largement sous l'influence du Shâh-nâma, quand se sont multipliées les
dynasties indépendantes, puis à la suite de l'irruption des Turcs, des Croisés
et des Mongols. Les exemples de Saladin et de Gengis Khan illustrent le
renouvellement des modèles, leur extension et leurs réinterprétations
successives. La créativité mythique apparaît comme un acte culturel, de portée
éminemment politique. La carrière d'un grand conquérant comme Tamerlan a servi
de modèle à ses épigones pour justifier leurs prétentions territoriales. Les
références bibliques attestées dans le Coran ont permis d'intégrer les Turcs,
puis les Mongols, dans l'histoire de la Création, comme descendants de l'un des
trois fils de Noé. Des rattachements bibliques anciens ont valorisé les
musulmans des régions de la Volga à partir du XVIIIe siècle, ainsi que les
différents peuples chrétiens et musulmans du Caucase, région riche en
références bibliques comme l'échouage de l'arche de Noé sur le mont Ararat et
l'enfermement des peuples de Gog et Magog derrière des portes de fer. !!!Selon
Rashïd al-din, tous les Mongols descendent de deux hommes qui s'étaient
réfugiés à Ergene Qûn et celui qui les a fait sortir de la montagne n'était
autre que Börte-Chino (tamâmat-i aqwâm-i mughül az nasl-i an du shakhs ki dar
Arkina Qûn rafta budand va az in jumla ki az ânjâ bîtûn âmadand amiri mu'tabar
bud muqaddam u sarward-i aqwäm, Bûrta Tchina nâm (ibid., p. 127)), c'est-à-dire
l'ancêtre mythique des Mongols. Le modèle sur lequel est calqué ce récit est
d'origine turque. Une mutation
importante s'est opérée dans le monde arabe entre les deux « Saladin », d'un
côté le prince idéal imposant un pouvoir unitaire, l'homme du juste jihäd dont
l'image s'est forgée au VII/XIIIe siècle et de l'autre côté le héros des
grandes causes arabes contemporaines ; l'évolution remonte aux dernières années
du siècle dernier et aux premières décennies du XXe siècle, période qui
coïncide avec l'entrée de Saladin dans la littérature arabe moderne par le truchement
des genres nouveaux (théâtre et fiction romanesque). C'est cette phase toute
particulière de l'histoire du mythe de Saladin qu'éclaire l'article, centré sur
une œuvre qui a joué un rôle important dans cette mutation : la pièce de
théâtre composée en 1914 par Farah Antūn, al-Sultän Saläh al-din wa-mamlakat
Urüshalim [Le Sultan Saladin et le royaume de Jérusalem]. Écriture, création et
réception de la pièce sont analysées pour montrer comment naît la figure
mythique autour d'un récit fondateur, et comment se construit l'image du chef
vertueux, libérateur et unificateur : du prince musulman idéalisé par les
sources anciennes, Farah Antūn a fait une figure mythique de type
politico-héroïque proposée aux attentes du psychisme collectif du monde arabe. Articles
de Denise Aigle et Luc-Willy Deheuvels.
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