Orwell and politics - George Orwell has many labels : “The Truthteller,” “The Rebel,” “The
Common Man,” “The Prophet,” “The Virtuous Man,” “The Saint.” To those, critics
have added a host of others, many of them seemingly in conflict with one
another : the Socialist, the Liberal, the Conservative, the Tory Anarchist. My
essay amounts to a plea to add one more epithet to these, which may even help
us reconcile some of the others : “The Modernist.” I’ll be arguing that we
need to start reading Orwell alongside writers like Joseph Conrad, James Joyce,
T.S. Eliot, T.E. Hulme, and Ezra Pound, canonical figures in Anglo-American
literary modernism. What turned Orwell away from the anti-conformist attitudes
of the Right of the likes of Swift or Waugh – a political fate that was highly
likely given his social origins, his education and what he was like at the age
of eighteen ? (Here we should recall the portrait he paints with hindsight of
himself at that age : “Hence, at the age of seventeen or eighteen, I was both a
snob and a revolutionary. I loosely described myself as a Socialist but I had
no notion that the working class were human beings. Looking back upon that
period, I seem to have spent half the time in denouncing the capitalist system
and the other half in raging over the insolence of bus-conductors.”) I believe
at least three factors pushed him off this track : (1) a host of egalitarian
moral and social feelings, deeply rooted in his own experience ; (2) a
political, rather than intellectual or theoretical, relationship to politics –
his main preoccupation was not the ideas but the desire for action and action
itself ; (3) a rational analysis of the state of the world in 1936. We can see
how the anticolonialist of these two intellectuals, Orwell and Russell,
developed differently, taking into account the historical context in which each
figure evolved. Russell indeed lived through the Boer War (1899-1902) before
taking up his combat some sixty years later, committing himself against
American imperialism in Vietnam, during his so-called Guevarist period. As for
Orwell’s anti-colonialism, it was nourished by his experience in Burma
(1922-1927) together with that of the 1920s and 1930s, before he finally saw
the partition of India in 1947, a few years before he passed away. It must not
be forgotten that in spite of all the affinities to be noted, the question of
the Empire is absolutely central in Orwell’s work, whereas in Russell’s, it was
somehow subsumed into a more general type of reflection on such varied
questions as technology and industrialism, free trade, the rights of Man, the
nature of power, democracy and Internationalism.
Reference to “the people” runs
through the work of George Orwell, both in his fiction and in his essays and
journalism. An idea of “the people” lies behind frequent and often quoted
references to more concrete collectives such as the working and middle classes
; to representative figures such as the worker, the common man or the
“£5-a-week man” ; and to notions such as common decency and common sense. Yet,
far from being systematic or coherent, Orwell’s political populism was a site
of great agon and struggle. Such struggle entailed the cultivation of a
sustained gaze not at the abstract, messianic, or utopian “people”, but rather
at men and women as they were, their odors, their anxieties, their ugliness and
their hopes. This struggle represented nothing short of Orwell’s tireless
attempt to confront the apparent impossibility of true political consciousness.
Orwell et la politique - quantité d’étiquettes lui ont été appliquées : « La Voix de la Vérité
», « le Rebelle », « l’Homme ordinaire », « le Prophète », « l’Homme vertueux
», ou encore « le Saint ». Les critiques en ont ajouté une myriade d’autres,
souvent contradictoires en apparence : le Socialiste, le Libéral, le
Conservateur, l’Anarchiste Tory. Dans cet article, je me propose d’ajouter à
cette liste une épithète qui pourrait même réconcilier certaines de ces
appellations contradictoires : le Moderniste. Selon moi, Orwell a sa place aux
côtés d’auteurs comme Joseph Conrad, James Joyce, T.S. Eliot, T.E. Hulme et
Ezra Pound, qui sont autant de figures canoniques du modernisme littéraire
anglo-américain. Qu’est-ce qui a détourné Orwell de l’anticonformisme de droite
d’un Swift ou d’un Waugh, un destin politique qui était particulièrement
probable étant donné ses origines sociales, son éducation, et ce qu’il était à
dix-huit ans ? (On se souvient du portrait qu’il a rétrospectivement tracé de
lui-même : « À dix-sept, dix-huit ans, j’étais à la fois un petit snob poseur
et un révolutionnaire. Je n’hésitais pas à me parer de la qualité de
“socialiste”, mais il m’était toujours impossible de me représenter les
ouvriers comme des êtres humains. J’ai l’impression d’avoir passé une moitié de
mon temps à vilipender le système capitaliste, et l’autre moitié à pester contre
les receveurs d’autobus. ») À mon avis, trois choses au moins l’ont détourné de
cette trajectoire : (1) un ensemble de sentiments moraux et sociaux
égalitaires, profondément enracinés dans sa propre expérience ; (2) un rapport
politique, et non intellectuel ou théorique, au politique : son souci premier
n’était pas les idées mais la volonté et l’action ; (3) une analyse rationnelle
de l’état du monde en 1936. On voit comment la pensée anticolonialiste de deux
intellectuels, Orwell et Russell a divergé si on prend en compte le contexte historique dans lequel
chacun d’eux a évolué : en effet, si Russell a été témoin de la guerre des
Boers (1899-1902) avant de pourfendre, une soixantaine d’années plus tard et
notamment pendant sa période dite « guévariste », l’impérialisme américain au
Vietnam, l’anticolonialisme d’Orwell s’est surtout nourri de son expérience en
Birmanie (1922-1927) et de celle des années 1920 et 1930, avant qu’il puisse
assister, au soir de sa vie, à la partition de l’Inde (1947). On n’oubliera pas
que, malgré toutes les affinités qui seront relevées, la question de l’Empire
est proprement centrale chez Orwell, tandis qu’elle se trouve, chez Russell, en
quelque sorte subsumée dans une réflexion plus générale sur des questions aussi
diverses que la technologie et l’industrialisme, le libre-échange, les droits
de l’homme, la nature du pouvoir, la démocratie et l’internationalisme.
La référence au « peuple » est
omniprésente dans l’œuvre d’Orwell, aussi bien dans ses romans que dans ses
essais et articles. Une certaine idée du « peuple » est sous-jacente à ses
nombreuses remarques sur des entités collectives plus concrètes comme la classe
ouvrière ou la classe moyenne, ou sur des figures représentatives comme le
travailleur, l’homme de la rue ou « celui qui gagne cinq livres par semaine »,
ou encore sur des notions comme celles de décence commune et de sens commun.
Pourtant, loin d’être systématique ou même cohérent, le populisme politique
d’Orwell est avant tout un espace conflictuel, un espace de lutte. Cette lutte
résulte de son refus d’invoquer un « peuple » abstrait, messianique et
utopique, et de son attention constante aux hommes et aux femmes tels qu’ils
sont, à leurs odeurs, leurs angoisses, leur laideur et leurs espoirs. Cette
lutte représente bel et bien la tentative opiniâtre d’Orwell pour affronter
l’impossibilité apparente d’une conscience politique véritable.
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