This article deals with the construction
of collective identity among craftsmen in the predominantly sedentary regions
of Western and Eastern Turkestan during pre-colonial and colonial times (nineteenth and twentieth
centuries). Although it has been widely acknowledged that profession and
especially affiliation to a professional group serve as a source for the
construction of identity, we do not know much about the precise mechanisms
through which these identity markers operate. This study is based on the
research of about two hundred “crafts’ statutes” (risāla), the only kind of text originating in the
craftsmen’s milieu proper which we possess. We see that the cohesion of a
professional group rests largely, at least ideally speaking, on the perception
of an imagined shared ancestry for each professional group.
The risāla is the only
original text from craftsmanship environment we possess. This narrative is
written in vernacular language (turkī,
ouzbek, persan-tadjik, ouïgour, pachto), interspersed with prayers in Arabic,
depicting the basis of a professional group. A unifying text that creates a spirit of brotherhood among
the same corporate group members. Three key elements are to be found in the risāla, the religious
legitimisation of the professional activity, the transfer of spiritual
knowledge and the emergence of an identity affiliation. The risāla makes a clear distinction
between the master craftsmen who perform their kasb and don’t own a personal copy of
the risāla or
without following its prescriptions and those who work as affiliated to the pir of the profession through one risāla. To ignore the pir founder of the profession and to
refuse to follow the guidelines of the risāla make the practice of the profession soiled,
illegitimate in the religious significance, ḥarām .
In the spoken languages of the Central
Asian region, two words show descent through lineage: šaǧara and silsila. The šaǧara refers to consanguineous
relation; the silsila to a
spiritual relation. Thus the risāla refers
to the belonging to a silsila – a
spiritual lineage of legendary master craftsmen – and gives value to loyalty
and solidarity. Jeanine Elif Dağyeli
La construction
des identités collectives d’après les chartes des corps de métier (risāla) en Asie
centrale.
Cet article se propose d’explorer les formes de construction
identitaire propres aux communautés d’artisans des régions sédentaires du
Turkestan occidental et oriental, dans la période précoloniale et coloniale
(XIXe et XXe siècles). Malgré l’insistance répétée
sur le fait que la profession, et plus encore l’appartenance à un corps de
métier, servent communément de fondement à l’identité, les mécanismes par
lesquels se manifestent de tels marqueurs identitaires restent peu connus.
L’étude est basée sur l’analyse d’environ deux cents “chartes de corps de
métier” (risāla), seul type de
texte original issu du milieu artisanal lui-même dont nous disposions. Nous
verrons que la cohésion d’un groupe professionnel est fondée, au moins
idéalement, sur la revendication d’une appartenance à une lignée imaginaire de
maîtres ancestraux pour chaque corps de métier.
La risāla est
le seul type de texte original issu du milieu artisanal lui-même dont nous
disposions. C’est un récit écrit en langue vernaculaire (turkī, ouzbek,
persan-tadjik, ouïgour, pachto), entrecoupé de prières en arabe, qui retrace le
fondement d’un groupe professionnel. Texte unificateur, il crée un esprit de
fraternité entre les membres d’une même corporation. Les trois éléments-clés de
la risāla sont
la légitimation religieuse de l’activité professionnelle, le transfert du savoir
spirituel et l’évocation d’une affiliation identitaire. La risāla fait une nette distinction entre les
maîtres artisans qui exercent leur kasb sans
posséder une copie personnelle de la risāla ou
sans se conformer à ses directives et ceux qui l’exercent en étant affiliés aux pīr
de la profession grâce à une risāla. Ignorer le pīr fondateur de sa profession et refuser
de se conformer aux directives de la risāla rend
l’exercice et le produit de l’activité professionnelle souillée, illégitime au
sens religieux du terme, ḥarām.
Dans les langues centrasiatiques, deux termes désignent la
descendance par lignée :
šaǧara et silsila.
La šaǧara renvoie
à une filiation consanguine ; la silsila, à une filiation spirituelle. La risāla évoque
l’appartenance à une silsila – celle d’une lignée spirituelle
de maîtres artisans légendaires – et valorise les rapports de loyauté et
de solidarité. Jeanine Elif Dağyeli
Susani art - Uzbekistan |
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