The construction
of death in Western Law - In Western law,
there are two ways of dying or 'being dead'. On the first hand it is an organic
thing, an outside the law fact that civil code rules merely observe - and not
define nor establish. On the other hand, early diagnosis of death is not a fact
that can be observed by empirical methods but an institutional construction
through which the 'subjects of rights' status to human beings is disregarded. And
in order to do so, the law grants the power to define some individuals as being
brain dead to medical practitioners. After the completion of that process early
diagnosis carry out a class of individuals alive, declared dead that constitute
a main organ transplantation resource. In addition the corpse body is legally
registered within time pattern: the law predicts its gradual and inevitable
deterioration. The dead must be buried not later than six days after the death.
In order to prevent premature burials, one cannot bury the corpse before 24
hours after the death. The legal status of the juridical person during this
legal time is not precisely established. Persons declared dead are considered
as such only under the condition of not giving any sign of life during that
legal time. As can be imagined in view of this, the expiry of legal deadline
confirms a presumption of a state of death. When regarding the issue of organ
transplantation clinical autopsy is of particular relevance since it is then
carried out on viable tissues not yet subjected to necrosis. The 24 hours
deadline for burial is in this sense an obstacle that a new law of death is
going to eliminate. From 1947, the recording of death in the Law has been
subjected to a transformation: establishing brain death is a medical judgment
with innovative legal consequences. A decree imposes compulsory exploratory
methods in order to establish ' the irreversible nature of encephalic
destruction'. Tests can lead to confusion between brain injury and irreversible
destruction of central nervous system. Some people, according to the tests are
considered dead but keep nevertheless brain functions in the cortex but as well
as in the neocortex. Thus some react to surgical incisions, during organ
removal, by increase of heart beat and blood pressure. The adequacy between the
neurological criterion and the definition of death infers that the brain is
responsible for a creative activity including the body. The criterion of death
based on brain arrest no longer has justification in terms of prognosis of
cessation of cardiac functions. At this stage, how is it possible to make the
difference between a person in a passive vegetal life state that we consider as
alive and a brain dead person ? Then assimilation of brain death to human death
is a legal mechanism of pure misrepresentation of facts. Through declaration of
death, one can act with a living person as if it was a corpse. Early diagnosis
of death lead to a class of individuals that are declared dead, although
biologically alive during organ removal. These strange creatures are human
beings who breath, with a heartbeat, however we declare them dead in order to
use their body for therapeutic and scientific purposes. After the declaration
of death, such a person becomes a cluster
of cells liberated from the body burden, pure elementary life threatened by
necrosis, because life is only apparent. The same applies to impairments of
physical integrity through organ removal after the declaration of brain death.
Since this neo-dead becomes no one's body, it becomes according to G. Agamben's words a "naked human
life", without the protective devices surrounding the living as subjects
of law and holders of rights. From now on the issue of sacrifice no longer
arises, because the false living is legally dead.
Unlike these
forms of exercising death power, early diagnosis ascribe to natural occurrence
what it causes by a decision, it turns to past an event that must take place in
the future: the brain dead person is an already dead condemned. As Foucault
said, this death is not anymore a failure on the power of life but a life
resource for others. The false dead is a resource, a entire graft through which
other will be allowed to exercise their right for life. Since brain death
exists, in the sixties, the idea of life sacredness in its classical sense has
been much modified. And it is also on behalf of life, in its very qualitative
sense, that associations struggle for the right to a dignified death.
La construction de la
mort en droit occidental - En droit occidental, il y a deux manières de mourir ou
d’« être mort ». La première est un événement organique, un fait
extérieur au droit que les règles du Code civil se limitent à constater – et
non pas à définir ou à instituer. L’autre, celle des diagnostics précoces,
n’est pas un événement empiriquement observable mais une construction
institutionnelle par laquelle est enlevé aux êtres humains vivants le statut de
sujets de droit. Pour ce faire, le droit délègue aux médecins le pouvoir de qualifier
certains individus comme étant en état de mort cérébrale. Au terme de ce processus les
diagnostics précoces produisent une catégorie d’individus vivants, déclarés
morts, qui constituent la principale ressource de la transplantation d’organes.
Le corps du cadavre est, en outre, juridiquement inscrit dans la trame du temps :
le droit prévoit sa dégradation progressive et inéluctable. Les morts doivent
être enterrés au plus tard six jours après le décès. Pour prévenir les
inhumations prématurées, on ne peut enterrer le cadavre avant que ne soient
écoulées 24 heures après la mort ainsi constatée. Le statut juridique des
sujets pendant cette période légale n’est pas précisément établi. Les personnes
déclarées décédées ne sont considérées comme telles que sous condition de ne
pas manifester pendant cette période des signes de vie. On imagine volontiers,
dans ces conditions, que l’expiration du délai légal confirme cette présomption
simple, d’un état de mort. Or l’autopsie
clinique présente d’autant plus d’intérêt qu’elle est pratiquée sur des tissus
non dégradés par la nécrose. Le délai de 24 heures pour l’inhumation
constitue en ce sens un obstacle que le nouveau droit de la mort ne tardera pas
à éliminer. À partir de 1947 se produit une transformation de l’inscription de
la mort dans le droit. Le constat
de mort cérébrale est un jugement médical aux conséquences juridiques tout à
fait originales. Un décret impose ainsi des méthodes exploratoires obligatoires
afin de prouver l’existence du « caractère irréversible de la destruction
encéphalique". Les tests peuvent mener à
confondre lésions du cerveau et destruction irréversible du système nerveux
central. Un certain nombre d’individus jugés morts selon les tests conservent
des fonctions cérébrales, non seulement au niveau du cortex, mais aussi du
néocortex. Ainsi, certains d’entre eux répondent aux incisions chirurgicales,
au moment du prélèvement d’organes, par un accroissement des battements de cœur
et de la pression sanguine. L'adéquation entre
le critère neurologique et la définition de la mort suppose que le cerveau est
le responsable d’une activité intégratrice de l’organisme. Le critère de
la mort fondé sur l’arrêt cérébral n’a désormais plus de justifications en
termes de pronostic de cessation prochaine du fonctionnement cardiaque. Comment
faire à ce stade la différence entre une personne en état de vie végétative
chronique que l’on considère vivante et un mort cérébral ? Dès lors l’assimilation de la mort cérébrale à la mort
humaine est un procédé juridique de pur travestissement des faits. Par le
constat de mort, l’on peut traiter un être vivant comme s’il était un cadavre.
Les diagnostics précoces produisent ainsi une catégorie d’individus déclarés
morts, quoique biologiquement vivants au moment du prélèvement d’organes. Ces
étranges créatures sont des êtres humains qui respirent et dont le cœur bat
mais que l’on déclare mortes afin de pouvoir utiliser leurs corps à des fins
thérapeutiques voire scientifiques. Après le constat, le corps d’un tel mort
devient amas de cellules libérées du carcan de l’organisme, pure vie élémentaire
menacée par la nécrose, parce que sa vie n’est qu’apparente. Il en va de même
avec les atteintes à l’intégrité physique de la personne, par le prélèvement de
ses organes après le constat de la mort cérébrale. Puisque le corps de ce
« néomort » n’est plus le corps d’une personne, il devient, pour
employer la belle formule de G. Agamben, vie humaine « nue »,
sans les dispositifs de protection qui entourent les vivants qualifiés de sujets
de droit. Désormais la question du sacrifice ne se pose plus, parce que le
faux-vivant est juridiquement mort.
A la différence d’autres formes
d’exercice du pouvoir de mort, les diagnostics précoces attribue à la réalité
naturelle ce qu’il provoque par une décision, il transforme en passé un
événement qui doit se dérouler dans le futur : le mort cérébral est un
condamné qui est déjà mort. Cette mort, n’est plus, comme
le disait Foucault, l’échec du pouvoir sur la vie, mais plutôt une ressource de
vie pour autrui. Le faux-mort est ressource, greffon total, grâce à qui les
autres pourront exercer leur droit de vivre. Depuis l’invention de la mort cérébrale
dans les années soixante, l’idée de sacralité de la vie dans son sens classique
et absolu a été profondément modifiée. C’est aussi au nom de la vie, prise dans
son sens purement qualitatif, que des associations se battent depuis des années
pour obtenir le droit à mourir dans la dignité. Marcela
Iacub
http://enquete.revues.org/1564
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