Changing the alphabet also changed
spelling and, over time, vocabulary. This is why the alphabet and language
reforms are connected. Latinization broke the link between Turkish script and
its Arabic vocabulary. These words became like orphans from their semantic
family ; and so they lost their powers of evocation and connotation. Thus latinization encouraged the
entry en masse of words with Western origins into the Turkish language. This is
one of the great paradoxes of the language reform, since the Kemalists spent
their time declaring that it would liberate the Turkish language from foreign
tutelage.
The Kemalists completely internalized
the Western vision of ‘the Orient’, producing their own Orientalism with regard
to the Arab world. This already existed under the Ottoman Empire . Kemalist progressivism contrasted itself with this Orient, with the
‘fanaticism’ and ‘backwardness’ of Arab societies.
Because of censorship, the only sources
we have are State sources. ‘Schools of the Nation’ (Millet Mektepleri) are
created beginning in December 1928.
At the time, official historians,
journalists and publicists of the regime used a religious register when
speaking of the change in alphabet – it was a kind of revelation, or nurlanma.
There is a sacred aspect given to the transfer from the Arabic (and Koranic)
script to the new Turkish alphabet. Mustafa Kemal takes on the role of the
Prophet, in the etymological sense of the term – he who speaks before, he who
brings the Good News (mujde). The whole of the Kemalist discourse consisted of
opposing what had come before 1928 – darkness, ignorance, superstition – with
what came after: illumination, knowledge, reason. It in some ways draws on
Islamic theology, which establishes a firm distinction between the period
before the Mohammedan revelation, known as the Age of Darkness, and the period
after.
Even if this reconstruction seem a bit
Orwellian, in Orwell there is only a dictatorial aspect – thought control.
Undoubtedly, to change a word is to change reality; this has an Orwellian
quality. But this reforms also provided access to knowledge, culture and
written fluency. This change had an emancipatory effect. In the third world and
progressive literature which came into vogue in the 1970s and 80s, we were all
obsessed with improving literacy rates, with ‘progress and development’…now, it
seems we’ve adopted nearly the opposite logic: ‘oral cultures and traditions
are wonderful!’ We castigate ‘modernity’, we cultivate a nostalgia for our lost
‘heritage’, including the invention of an idealized past. We must find a
balance – this reform, as violent it was, also symbolizes the destruction of
feudal structures, the end of religious oppression, and the advent of the
people’s access to information.
RECONSTRUCTION DE L’ALPHABET TURC
Changer
l’alphabet revient aussi à changer l’orthographe et à terme, le vocabulaire.
C’est pour cette raison que les réformes de l’alphabet et de la langue sont
liées. Avec la latinisation, c’est la traçabilité étymologique des mots arabes
qui est cassée. Les mots sont orphelins de leur famille sémantique, ils n’ont
plus la même capacité d’évocation et de connotation. La latinisation a donc favorisé l’entrée en
masse dans la langue turque de mots d’origine occidentale. C’est l’un des
grands paradoxes de la réforme de la langue.
Les
kémalistes ont totalement intériorisé la vision occidentale de
« l’Orient » et produit leur propre orientalisme à l’égard du monde
arabe. Cela existait déjà sous l’Empire ottoman. Le progressisme kémaliste
s’est opposé à l’Orient dit « rétrograde », au
« fanatisme » et à « l’arriération » des sociétés arabes.
Du
fait de la censure, les seules sources dont nous disposons sont les sources
d’État. Les « écoles de la nation » (Millet Mektepleri) sont créées à
partir de décembre 1928.
Le
registre à travers lequel les historiens, journalistes et publicistes officiels
de l’époque expliquent le changement d’alphabet est celui de la révélation
religieuse (nurlanma): il y a une sorte de transfert de sacralité de l’alphabet
arabe, l’alphabet coranique, vers le nouvel alphabet turc. Mustafa Kemal c’est
le prophète, au sens étymologique du terme, celui qui parle avant, celui qui
apporte la bonne nouvelle (müjde). Toute la construction du discours kémaliste
va consister à opposer précisément ce qu’il y avait avant 1928, l’obscurité,
l’ignorance, la superstition, par rapport à l’après, la lumière, le savoir, la
connaissance. C’est en quelque sorte un décalque de la théologie islamique qui
établit une distinction très forte entre avant la révélation mahométane, les
âges obscurs, et après.
Même
si cette reconstruction fait penser à George Orwell, chez Orwell il y a seulement
le côté dictature, le contrôle des cerveaux. Certes, changer un mot c’est
changer le réel, cela a un côté orwellien mais la réforme a aussi permis un
accès à la connaissance, à la culture et à la maîtrise de l’écrit. Ce
changement a eu des effets émancipateurs. Dans la lecture tiers-mondiste et
progressiste en vogue dans les années 70-80, on s’extasiait devant
l’alphabétisation, le progrès et le « développement » alors que
maintenant on est presque dans la logique inverse : « C’est
formidable les cultures orales et les traditions ! ». On fustige la
« modernité », on cultive la nostalgie du « patrimoine »
détruit, dont on entretient une représentation fantasmatique. Il faut trouver
un équilibre, cette réforme, si violente qu’elle fût, symbolise aussi la
destruction des structures féodales, des oppressions religieuses, et l’accès
des individus à l’information.
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