Rawlsian
Universalism Confronted with the Diversity of Reality 2 We can
reverse the reasoning presented in the first and argue in favour of the
necessity of universal values. One milestone of such a stance is the universal Declaration
of Human Rights put forward in 1948 by the United Nations. In this text of
declarative value, member states acknowledged the existence of principles above
and beyond their respective legal frameworks. Therefore, the respect for legal
hierarchy demands that laws in each country conform to these universal
principles. We could see this as a dialectics of ethics and law, since ethics
inspire law and law dictates a norm. The ethical qualification of acts inspires
their legal qualification and presses in the direction of further recognition
of rights by law. Hence a notion such as “crime against humanity”, the result
of a process which could be emulated for other crimes or the recognition of
other rights. The issue of justice is never far from such processes, since they
are opportunities to assert the universalism of certain values. At this
stage, it is important to raise a crucial question: on what grounds can the
universal claim legitimacy? An answer to this question is to be found in
the process of enounciation of the principles of justice. A rule grounded in
the social practices of a group does not qualify as universally legitimate, not
even within that very group. That would be a form of communitarianism and a
limit on people’s freedom since they would be denied a faculty of judgement. It
would be totalitarian to grant such a rule a normative value for other groups,
since they would have values imposed on themselves from the outside. In either
case, moral autonomy is denied and reason abdicated. The only justification
would be the imposition of a transcendent reason: this religious perspective
obviously fails the test of universalism since religious belief is not
necessarily shared. Grounding justice on reason and reason alone means
the autonomy of the rational being is reasserted, as is his or her place as
“social partner” of a human community sharing common values, of which all
members are rational beings. The phrase “human community” used here goes
against the idea of communitarianism. It emphasizes what all human beings have
in common, i.e. reason, rather than the specificity or culture of each or each
group. Hence two propositions. The first is inspired by the hierarchy of norms
in the legal sphere, according to which an inferior norm cannot contravene to a
superior norm. In the moral sphere, social practices specific to each community
are legitimate only inasmuch as they do not contravene to universal values of
the human community. Confronting the particular to the universal would
therefore mimic, in the moral sphere, the conformity check in the legal sphere.
The second proposition is that the idea of universalism of values is crucial to
the idea of the unity of the human species: that is implicit in the notion of
mankind or the phrase used here, “human community”. Does Rawlsian
universalism enable us to make sense of the diversity of the real world?
To ground one’s work in those principles is therefore not a contribution to the
Westernization of the world: it shows concern for the compatibility of the
particular and the universal. The object is not to measure the distance between
non-Western civilizations and a Western civilization set up as a model. It is
to measure the gap between real-world practices and the principles of justice as fairness everywhere, including in the Western
world. Additional difficulty derives from geographic discontinuities, such
as frontiers. Sharing the benefits and
burdens of social cooperation is difficult in a world fragmented by state limits which
create territories with each their own legislations in fiscal, social and
environmental areas. Could
the relative well-being of the working-classes in countries of the global North
be paid for in part by the exploitation of countries of the global South? This
question is very sensitive, and we must beware of instrumentalizing territories
and of exonerating the ruling classes of countries of the North of their
responsibilities. It is however a question that must be addressed in order to
understand what is at play between the social and the spatial; only then will
we be able to delineate what is at stake, measure the forces in presence,
formulate a project and define political alliances. The diversity of the
world goes further than inequalities in development: cultural differences also
challenge universalism. The Theory of
Justice deals with this, by combining a respect for cultural
difference with action in favor of justice, though the application of
principles is always difficult and sometimes impossible: but the reality
principle should not overcome principles of justice. Bernard Bret
L’universalisme
rawlsien confronté à la diversité du réel 2
Le constat de la diversité culturelle
peut mettre en évidence l’impérieuse nécessité de valeurs universelles. Il
est important pour le sujet de rappeler la Déclaration universelle des
Droits de l’Homme proclamée en 1948 par l’Organisation de Nations Unies. Dans
ce texte qui relève du droit déclaratif, les États membres de l’organisation
ont reconnu des principes au-dessus de leurs législations respectives. Le
respect de la hiérarchie des normes exige alors la conformité du droit de
chaque pays aux règles du droit universel. On peut ici parler d’une dialectique
entre l’éthique et le droit, dans la mesure où l’éthique inspire le droit et où
le droit énonce la norme. La qualification éthique des actes inspire leur
qualification juridique et pousse à ce que la loi reconnaisse de plus en plus
les droits. C’est ainsi, qu’apparut la notion de crime contre l’humanité, selon
une procédure qui vaudrait tout autant pour la reconnaissance d’autres crimes
ou pour la reconnaissance de droits. On ne s’écarte donc pas du thème de la
justice en évoquant de tels faits parce qu’ils ont été l’occasion d’affirmer
l’universalisme de certaines valeurs. À cette étape du raisonnement, se
pose une question capitale : à quelle condition l’universel peut-il
prétendre à la légitimité ? La réponse à cette question se trouve
dans la procédure d’énonciation des principes de justice. Une règle qui trouve
ses racines dans les usages sociaux d’un groupe ne saurait prétendre à une
légitimité universelle, ni même au sein du groupe considéré. Ce serait admettre
le communautarisme que d’en faire une norme pour les membres du groupe, et il a
été montré comment cela porte atteinte à la liberté des personnes puisque
celles-ci se trouvent dépossédées de leur faculté de jugement. Ce serait
admettre le totalitarisme que de lui reconnaître une portée normative pour les
autres groupes, puisque ceux-ci se verraient imposer des valeurs de
l’extérieur. Dans un cas comme dans l’autre, ce renoncement à l’autonomie
morale est une abdication de la raison. Elle ne pourrait se comprendre qu’au
nom d’une transcendance qui s’imposerait aux hommes : démarche à fondement
religieux évidemment incompatible avec l’idée d’universalisme puisqu’elle
reposerait sur une croyance non partagée. Fonder la justice sur la
raison et seulement sur la raison revient à affirmer l’autonomie du sujet en
tant qu’être rationnel et permet à ce dernier de se reconnaître comme
partenaire social d’une communauté humaine partageant une communauté de
valeurs, parce que tous ses membres sont des êtres rationnels. On l’a compris,
le terme de communauté
humaine s’oppose ici à l’idée de
communautarisme. Il considère les hommes pour ce qu’ils ont en commun, la
raison, et non pour ce chacun ou chaque groupe a de spécifique, sa culture.
Cela autorise deux conclusions d’étape. La première s’inspire du principe de la
hiérarchie des normes dans l’ordre juridique, selon lequel une norme inférieure
ne peut contrevenir à une norme supérieure. Dans l’ordre moral, elle dit que
les usages sociaux spécifiques aux différentes communautés sont légitimes à la
condition expresse qu’ils ne contreviennent pas aux valeurs universelles de la
communauté humaine. La confrontation du particulier avec l’universel serait
dans l’ordre de la morale le parallèle du contrôle de conformité dans l’ordre
du droit. La seconde retient que l’idée d’universalisme des valeurs est garante
de l’idée d’unité de l’espèce humaine. C’est ce que contient l’idée d’humanité
ou le terme ici employé de communauté
humaine.
L’universalisme rawlsien permet-il pour autant de
comprendre le mondé réel dans sa diversité ? Se réclamer de John
Rawls n’est donc pas se faire l’avocat de l’occidentalisation de la planète.
C’est chercher la compatibilité entre l’universel et le particulier. Ce n’est
pas mesurer la distance qui sépare les civilisations d’avec la civilisation occidentale
érigée en modèle. C’est partout, y compris dans l’aire culturelle occidentale,
mesurer l’écart existant entre les pratiques réelles et les principes de la justice comme équité. Répartir les avantages
et les charges de la coopération sociale est
évidemment difficile dans un monde maillé par des limites étatiques créant des
territoires dotés de législations propres en matière fiscale, sociale et
environnementale. le
bien-être relatif obtenu par les classes populaires des pays du Nord est-il en
partie financé par l’exploitation des pays du Sud ? Question délicate et
sans doute dangereuse car la réponse donnée ne doit pas instrumentaliser les
territoires ni exonérer de leurs responsabilités les classes sociales
dominantes des pays du Nord. Question néanmoins nécessaire pour comprendre le
socio-spatial, c’est-à-dire le croisement entre le fait social et l’espace.
Question indispensable pour repérer les intérêts en jeu, mesurer les rapports
de forces, formuler un projet et définir les alliances politiques. La
diversité du monde ne tient pas toute entière dans les inégalités de
développement. Il y a aussi les différences culturelles qui, précisément,
interrogent l’universalisme. La Théorie de la
Justice y apporte réponse car elle permet de mettre en cohérence le
respect de la diversité culturelle et l’action pour la justice, bien que la
mise en œuvre des principes soit toujours difficile et parfois même
impossible : le principe de réalité ne doit pas faire taire les principes
de justice eux-mêmes ! Bernard
Bret
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