The threshold concept - The threshold separates and binds two separate spaces
of a different nature. In its simplest definition, the threshold separates the
entrance of a house from the exterior, and at the same time opens the private
space of the home to the public space of the street. It is the in-between state
that allows a differentiation of an outside and an inside. It designates the
space we never really touch, where we don’t dwell, the space that takes us to
another place. The place where a man hesitates when he does not dare to enter,
as in Kafka’sThe trial, where the peasant stays in front of the threshold of a door
only to find out that it was there only for him.
Thanks to the threshold, we acquire an awareness of
the difference. We could state that without thresholds, there is no possible
distinction between two things, spaces or states. The usual definitions
of the liminary state in anthropology see the threshold as a transitory moment,
a passage that leads to something else, primarily a new status in society. The
ritual process defines a state on the margin of a primary state. The liminality
is defined as something exceptional, the ‘soglitary’ state on the contrary
designates the fundamental state of our identity, as well as our ethical and
perceptive condition. We are constantly on the threshold, as we never stop
changing, making links and getting lost again momentarily. The threshold
is considered as a part of the door and the rituals associated with it are
therefore understood as physical rites directly associated with the entrance,
the departure and the awaiting. (Van Gennep, 1908: 25). Van Gennep speaks of
rites that happen on the threshold as transition rites.8 It
is the whole house in its materiality that gives the threshold significance
with its own symbolic. Entering, passing, hesitating: the threshold holds
within itself the transition that makes somebody who crosses the threshold
familiar to a former strange environment. The idea of soglitude does not
express the threshold as a moment we have to pass, but more as the fundamental
act that makes us what we are. We are inand on a threshold with our own identity,
the reality we perceive and our interaction with others. There is no “real”
state, no “real” life, no “real” time we should attain, we are always in our
own threshold state that moves us from one state to the next and gives us the
illusion of stability at the same time. This apparent paradox will
appear as the leitmotiv through this whole issue. We move but think we stay in
the same place, as we learn in the Alice books, “to move to another place we
would have to move twice as fast”9. The
apparent constancy of reality and our changing within it seems to create
stability. And even current brain research shows that our stabilization lies
within our perception of change10, it
is indeed an interaction between stillness and movement that allows us to
evolve in the world. Threshold is thus the concept in which the dilemma
between permanence and change is fundamentally concentrated. The threshold
stays on the border of constantly changing worlds, and might also become the
image of home, where we can come back to for a little while before we follow
the stream again. We take a deep breath on the threshold and stop before we
face the reality once again. From
the basement to the roof, the house is in itself the guardian of memories and
the place where we rest only for a moment, in order to be thrown into the flow
again, to leave the house and discover new elements that will be created and
then forgotten, in a dialectic movement between coming home and fleeing,
searching for a momentary rest and knowing that the house itself is but a
threshold. This pause is of course an illusion, as even the temporary
retraction from reality is integrated in the changing of events. Our
perceptional landscape asks for a new adjustment in mind and feeling. The
threshold concept is so important in thought, and generally in all scientific
or artistic or even ethical procedures, as it makes a very simple fact its
foundation: the constant change in perspectives and points of view that is too
often neglected in systems of knowledge. Also the threshold concept can
be a safeguard against totalitarian systems that invoke only one unique way of
thinking. For this concept allows us some nuances in opinions and protects all
thinking from abuses of power that impose regimes in the name of one and only
truth from one State. Pluralism will pre-vail monistic systems. Tatjana Barazon
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Photo : Marie Combes |
Le concept du seuil - Le seuil
est par définition ce qui relie et sépare deux espaces d’une nature différente.
L’idée la plus simple du seuil désigne l’espace qui sépare l’entrée de la
maison de l’extérieur. Le seuil se situe entre l’espace public de la rue et
l’enceinte privée de la maison et sépare ainsi le dedans du dehors. Il désigne
cet espace que nous ne touchons pas, sur lequel nous ne nous attardons pas,
mais qui nous mène vers un autre lieu. Là où l’homme hésite quand il n’ose pas
entrer, comme dans la parabole de la Loi dans Le
procès de Kafka quand
l’homme de la campagne reste devant le seuil d’une porte pendant toute sa vie
pour découvrir qu’elle n’était là que pour lui.
Le seuil
incite surtout à la distinction consciente et avisée entre un endroit et un
autre. En effet, sans seuil, on pourrait se dire qu’il n’y a jamais de passage
à autre chose, il n’y a pas de prise de conscience d’une différence. Les
définitions usuelles du seuil voient dans l’état liminaire un état de
transition, un moment que l’on doit dépasser pour parvenir au véritable état.
En anthropologie des rituels, le seuil désigne la marge, donc ce qui se passe
autour de la scène principale. Les rites de passage sont des états
transitoires. L’état liminaire se distingue de l’état
« soglitaire » en ce qu’il se veut exceptionnel. La liminalité est
comme un (mauvais) moment à passer, avant de rejoindre le nid de la communauté
sous une autre forme. Dans la soglitude, on cherche à montrer que l’état au
seuil n’est pas quelque chose qui arrive à des moments spécifiques de la vie,
mais ce qui constitue toute notre vie dans sa nature même. Toute vie est
passage et transformations, pas uniquement à des moments particuliers. Le seuil est considéré dans les travaux sur les rites
de passage comme une partie de la porte et les rites associés au seuil doivent
alors être compris comme des rites physiques directs de l’entrée, de l’attente
et du départ. (Van Gennep, 1908 : 25). Van Gennep parle des rites qui ont
lieu sur le seuil lui-même comme des rites de transition.4 C’est
donc la maison dans toute sa matérialité qui donne une symbolique au seuil.
Entrer, sortir, hésiter : le seuil porte en lui cette transition même qui
fait que quelqu’un qui passe le seuil, passe aussi de l’état d’étranger à
l’état de familier. L’ouverture à l’« état entre » apparaît en
anthropologie comme une exception, comme un état transitoire qui sort du commun,
le moment particulier du rituel, donc d’un événement exceptionnel qui marque
certaines étapes de la vie d’un individu et pas d’autres. Pourtant, la
soglitude permettra de montrer que le seuil est notre condition humaine même,
et s’applique ainsi à tout état possible, puisque nous ne sommes jamais
parfaits ou accomplis mais plutôt compris dans un devenir, nous sommes comme
l’univers, qui n’est « jamais fait, mais qui se fait sans cesse».
Le seuil se présente comme la prise de conscience d’un état entre, que ce
soit un lieu, un moment ou un espace, un seuil est toujours « ni
l’un, ni l’autre ». Pour la pensée des seuils, la définition d’un
seuil dans le sens d’un seuil de tolérance ou de douleur sera plus rarement
convoquée. Il ne s’agit pas ici d’un seuil à atteindre pour provoquer la
manifestation d’un phénomène ou à ne pas dépasser pour ne pas nuire. On
s’inspire ici plutôt de la définition de Walter Benjamin qui parle du seuil
comme d’une zone. Benjamin comprend le seuil comme une expérience qui
prend en compte l’importance du moment. Il se réfère à l’étymologie allemande
du mot Schwelle qui vient de schwellen, gonfler. Benjamin observe un manque d’expériences
liminaires et déplore que la pensée ne lui accorde pas une plus grande
importance. Car, il s’agit bien d’une zone, d’un espace « entre »
comme le comprend aussi Martin Buber. Le seuil exemplifie l’indétermination, le
mouvement, le changement, bref, le devenir de toutes choses. Dans sa fonction
de lien et de séparateur, le seuil peut révéler le moment où une chose
n’est pas encore et une autre n’est plus, bref, l’interstice. Le seuil est une
zone où les règles ne sont pas strictes et où le critère de vérité est quasi
impossible à définir. Le seuil est si important pour la pensée, parce qu’il
nous préserve des certitudes figées. L’histoire de la philosophie abonde en
exemples où les auteurs aimeraient fixer des états ou affirmer des convictions
inébranlables. Surtout les méthodes scientifiques, dont s’inspire la
philosophie analytique, sont confrontées à la nécessité de la vérité et ainsi à
la conquête de territoires certains. En reconnaissant des seuils, nous
aimerions remédier à cette obsession du fixe, du vrai et de l’inébranlable,
ouvrir un monde des possibles, engager la pensée sur des sentiers modulables et
donner un droit d’existence à l’incertain, à l’imprévu, à l’inconnu. La pensée
du seuil ouvre à l’acceptation d’une région floue, d’un état de flottement qui
se rapprocherait peut-être plus de la vérité de notre existence qu’une
découverte scientifique certaine parce que c’est dans le seuil que nous
semblons toujours engagés. Le seuil peut ainsi tendre à nous protéger de
systèmes totalitaires qui invoquent une seule vérité et réussissent à imposer
une façon unique de voir. Si le seuil permet de nuancer toute pensée, il pourra
aussi nous préserver des excès de pouvoir qui imposent des régimes au nom d’une
vérité ou d’un Etat. Le pluralisme
primera sur le monisme. Tatjana Barazon
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